AUTOMNE 2002
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LE QUÉBEC ET LA MONDIALISATION
Le Québec a pris récemment deux initiatives originales et d’importance
touchant la mondialisation. D'abord,
en mai, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 52 exigeant que
tout engagement international important soit désormais soumis à l’Assemblée
nationale pour approbation. Puis,
en juin, le projet de loi 109 créant l’Observatoire québécois de la
mondialisation était présenté à l’Assemblée nationale.
Les élus et la mondialisation
Il arrive souvent que les gouvernements prennent des engagements
internationaux sans que les parlements n’interviennent.
Au Québec, deux types d’ententes internationales sont en
cause : celles dans
lesquelles le gouvernement du Québec s’engage, puis celles qui sont
négociées et signées par le gouvernement du Canada et qui portent sur une
matière relevant de la compétence constitutionnelle du Québec.
Désormais, ces ententes seront soumises aux élus de l’Assemblée
nationale. Selon la ministre d’État
aux Relations internationales, Louise Beaudoin, qui est responsable de l’application
de cette loi, "en adoptant le projet de loi no 52, l’Assemblée
nationale (du Québec) devient la première assemblée parlementaire de type
britannique à jouir d’un authentique pouvoir d’approbation des
engagements internationaux".
L’Observatoire québécois de la
mondialisation
C’est par un acte législatif que le gouvernement du Québec entend créer l’Observatoire
québécois de la mondialisation. Le
phénomène de la mondialisation va s’accélérant et il est porteur de
valeurs certaines. Mais le danger
est grand aussi que cette mondialisation se fasse exclusivement au bénéfice
de quelques grands groupes économiques et de quelques puissances mondiales
plutôt qu’à celui d’un nouvel ordre mondial et des citoyens.
C’est justement pour "favoriser une mondialisation maîtrisée
et équilibrée, respectueuse des droits humains", selon les termes
mêmes de la ministre Beaudoin, que cet Observatoire québécois de la
mondialisation est créé. "L’Observatoire
a pour mission de faire comprendre le phénomène de la mondialisation sous
tous ses aspects et de fournir à la nation québécoise des informations
fiables qui lui permettent d’en saisir les enjeux, d’en mesurer les
conséquences et d’agir de façon éclairée".
Pour ce faire, l’Observatoire devra examiner et analyser de façon
systématique le phénomène de la mondialisation.
Il devra aussi assurer la diffusion de ses travaux et mener, dans les
diverses régions du Québec, des activités d’éducation et de
sensibilisation.
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L’UNION CIVILE
L’Assemblée nationale a adopté, le 7 juin dernier, le projet de loi 84 qui
institue l’union civile pour les conjoints de même sexe.
Les conjoints homosexuels bénéficient désormais, au Québec, des
mêmes droits et privilèges que les couples hétérosexuels mariés et
peuvent adopter des enfants.
Le ministre de la Justice Paul Bégin, à l'origine de ce projet, a
déclaré : "Les gens
vont continuer à vivre et à être ensemble, mais maintenant, ils vont
pouvoir le faire en toute légalité, avec tout l’amour qu’ils et elles
ont entre eux et à l’égard particulièrement des enfants".
En effet, la protection des enfants constituait un souci majeur du
ministre Bégin. C’est pourquoi
la loi précise les règles de filiation.
Ainsi, lorsqu’une mère lesbienne donne naissance à un enfant, sa
conjointe peut désormais l’adopter et être reconnue parent sur l’acte de
naissance, ce qui lui permettra de prendre les décisions requises en ce qui a
trait au bien-être de l’enfant, à son éducation et à sa santé.
Ces conjoints unis civilement ne pourront pas pour autant se dire
"mariés", car la définition du mariage, au Canada, est de
compétence fédérale et elle précise qu’il s’agit d’une union entre
un homme et une femme. Mais les
droits et privilèges qui découlent de l’institution du mariage pour les
couples hétérosexuels et la protection qui s’ensuit pour leurs enfants
sont désormais, au Québec, à la portée des couples homosexuels qui le
désirent.
Cette loi sur l’union civile a été adoptée à l’unanimité par les
députés de l’Assemblée nationale. Le
ministre Bégin était fier de constater que la société québécoise avait
atteint "ce niveau de compréhension, d’acceptation et de
reconnaissance de l’égalité de tous, quelles que soient les opinions et
les orientations que l’on puisse avoir".
La loi est entrée en vigueur le 1er juillet 2002 et, dès le 18
juillet, une première union civile était célébrée entre deux conjoints du
même sexe, deux hommes en l’occurrence, qui sont ensemble depuis 29 ans.
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ÉTÉ 2002 : LA POLITIQUE S'ANIME
En été, la politique n’est pas en vacances; elle vit à un autre rythme.
L’Assemblée nationale a terminé ses travaux.
L’appareil gouvernemental tourne au ralenti.
Les élus rencontrent leurs commettants.
Mais cette année, des élections partielles tenues à la mi-juin sont
venues troubler la quiétude estivale. Les
résultats surprenants de ces élections ont largement déterminé le climat
politique du Québec de cet été 2002.
Surprises aux élections partielles
Le 17 juin, des élections ont eu lieu dans quatre circonscriptions
électorales : Berthier, Joliette,
Lac-Saint-Jean et Vimont. Trois
candidats de l’Action démocratique du Québec (ADQ) et un candidat du Parti
québécois (PQ) ont été élus. Quant
au Parti libéral du Québec (PLQ), il n’a fait élire aucun de ses
candidats. Les quatre comtés
étaient préalablement représentés à l’Assemblée nationale par des
députés-ministres du Parti québécois.
L’ADQ est sans conteste le parti politique qui sort gagnant de ces
élections partielles. Depuis
1994, un seul député représentait cette formation politique à l’Assemblée
nationale en la personne de son chef Mario Dumont.
En avril 2002, l’ADQ remportait l’élection partielle dans le
comté de Saguenay et doublait sa députation.
Les sondages révélaient alors une montée significative de l’ADQ
dans la faveur populaire. Lors des
quatre élections du 17 juin, les attentes de l’ADQ étaient donc élevées
et n’ont pas été déçues. Dans
l’ensemble des quatre comtés, ce parti a remporté 45 % des voix.
Le Parti québécois qui, avant ces élections, détenait les quatre sièges
en question, n’a fait élire qu’un candidat, Stéphan Tremblay, dans le
comté de Lac-Saint-Jean. Celui-ci
avait démissionné de son siège à Ottawa, comme député du Bloc
québécois afin de se présenter à ces partielles.
Sur l’ensemble des quatre comtés, le PQ a récolté près de 30 %
des suffrages. Même son candidat
vedette dans Berthier, le ministre David Levine, a subi la défaite.
Et comme le veulent les règles du régime parlementaire britannique en
vigueur au Québec, il a dû démissionner de son poste de ministre à la
suite de cette défaite.
Ces comtés ruraux ont tous échappé au Parti libéral du Québec malgré le
fait que, depuis deux ans, son chef Jean Charest présente son parti comme
étant celui des régions. Même
le comté de Vimont, qui compte 17 % d’électeurs non francophones
traditionnellement acquis au PLQ, n’a pu être remporté, le PLQ s’y
classant deuxième. Pour l’ensemble
des quatre comtés, le PLQ n’a obtenu que 24 % des voix.
Élections générales en 2003
À la suite de ces résultats surprenants, les partis politiques du Québec se
lancent déjà en campagne électorale, campagne qui, pourtant, ne débutera
officiellement que dans dix ou douze mois.
L’ADQ vit une période faste. Les
médias lui donnent plus d’importance que jamais, et à raison puisque les
sondages lui permettent même d’espérer la prise du pouvoir lors des
prochaines élections générales. Les
personnalités qui se montrent disposées à se présenter sous sa bannière
sont de plus en plus nombreuses. Les
hommes d’affaires veulent mieux connaître ce jeune chef et son programme.
L’ADQ doit donc revoir sa stratégie, préciser son programme et
recruter de nouveaux candidats, quelques candidats d’expérience si
possible, afin de pouvoir se présenter aux prochaines élections générales
avec une crédibilité accrue. Un
congrès est prévu pour le début d’octobre.
Le PLQ se sent marginalisé par cette avancée de l’ADQ et révise son
programme pour le mettre au goût du jour.
Son chef Jean Charest qui, il y a deux ans, voulait mettre de côté le
modèle québécois issu de la Révolution tranquille, appelle maintenant ses
troupes à faire une nouvelle révolution tranquille, à "réinventer le
Québec".
Le PQ voit lui aussi une partie de son électorat passer à l’ADQ.
Il lui faut donc revoir sa stratégie, affiner son programme et mieux
faire valoir ses réalisations. Étant
au pouvoir depuis huit ans, il a dû prendre un nombre de décisions qui ont
fait des mécontents, même si son bilan est éminemment positif :
les déficits budgétaires ont été jugulés, le chômage est au plus
bas depuis quelques dizaines d’années, des politiques sociales ont été
adoptées ou améliorées.
Les députés du Parti québécois, réunis dans Charlevoix les 20 et 21
août, se sont dotés d’un plan d’action pour l’année 2002-2003.
Ils se sont aussi fixés deux grands objectifs pour 2005, soit
d'atteindre le plein emploi et de réaliser la souveraineté du Québec.
À l’automne, deux grandes réunions sont prévues :
en octobre, le Forum sur le déséquilibre fiscal Québec-Ottawa, puis
en novembre le Rendez-vous des régions.
La course électorale est donc ouverte mais rien n’est assuré à l’avance
pour aucun des partis en lice. Il
est probable qu’aux prochaines élections générales, l’ADQ augmentera
encore le nombre de ses députés. Mais
de combien ? Et le fera-t-il
surtout aux dépens du PLQ ou du PQ ? Le
prochain gouvernement sera-t-il majoritaire au minoritaire ?
Seules les élections générales elles-mêmes sauront répondre à ces
questions.
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DES MESURES EN FAVEUR DE L'ENVIRONNEMENT
Nouvelles aires protégées
Les aires protégées passent de 48 536 à 80 832 km².
C'est ce qu'a annoncé le ministre de l’Environnement André
Boisclair, en juillet dernier, en présentant à la presse le Plan d’action
sur les aires protégées au Québec. À cette occasion, le
ministre était accompagné de ses collègues François Gendron, ministre des
Ressources naturelles, et Richard Legendre, ministre responsable de la Faune
et des Parcs.
Dans un premier temps, des mesures légales et administratives ont été
prises pour interdire immédiatement toute activité d’exploitation
minière, forestière et énergétique sur une superficie de 13 000 km² des
nouvelles aires protégées. Les
droits de gestion et d’utilisation pour fins récréo-touristiques ainsi que
les droits et activités des autochtones sont maintenus.
Le ministre a décrété un moratoire sur l’attribution de nouveaux
droits d’exploitation en attendant l’annonce d’un statut définitif de
conservation.
Dans un deuxième temps, le plan prévoit la création de cinq parcs nationaux
au Nunavik - décision déjà convenue entre le Québec et les Inuits - et d’un
sixième parc, le parc Albanel-Témiscamingue-Otish, qui est en voie de
réalisation avec le concours des Cris de Mistassini.
Par cet ajout de 19 000 km², Québec triple la superficie de son
réseau de parcs nationaux.
L’ensemble des territoires protégés, soit 82 832 km², représente 4,85 %
de tout le Québec, mais l’objectif du gouvernement est de porter cette
superficie à 8 % en 2005, se rapprochant ainsi de la moyenne mondiale de 9 %.
À cette fin, le ministre de l’Environnement a indiqué que d’autres
territoires devront être identifiés pour en faire des aires protégées.
Récupération et recyclage
Le Québec entend améliorer sa performance en matière de récupération et
de recyclage de ce qu’on est convenu d’appeler maintenant "les
matières résiduelles", pour ne pas dire simplement les déchets.
Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 8 mai dernier
donnera à un organisme public, Recyc-Québec, le mandat d’approuver les
plans de gestion des déchets que les MRC - les municipalités régionales de
comtés - ont obligation de produire d’ici juin 2003.
De l’avis du ministre délégué à l’Environnement, Jean-François
Simard, le taux de "récupération et de recyclage plafonne ou
régresse", passant de 37 % en 1998 à 35 % en 2000.
L’objectif de la nouvelle politique est ambitieux :
traiter 65 % des matières résiduelles potentiellement récupérables
afin d'éviter leur enfouissement.
Recyc-Québec a également reçu mandat de fixer et de percevoir les paiements
ou redevances imposés aux industries afin d’assurer la moitié du coût de
la récupération de leurs produits. L’organisme
donnera toutefois aux différents secteurs industriels - les entreprises de
presse par exemple - la possibilité de lui proposer des barèmes afin de
déterminer les redevances qui financeront les collectes sélectives
municipales.
Par cette initiative, le ministre veut "donner une nouvelle impulsion à
la récupération et au recyclage". L’expérience
des dernières années a montré que les municipalités boudent ces pratiques
parce que les coûts d’enfouissement sont de deux à trois fois inférieurs
à ceux de la collecte sélective, d’où la nécessité de mettre à
contribution le secteur industriel à hauteur de 40 % du coût de
récupération de leurs divers produits, afin de dédommager les
municipalités.
Recyclage des pneus
Le ministre délégué à l’Environnement, Jean-François Simard, a fait
état, au début de juillet, du succès de la Politique québécoise de
gestion des matières résiduelles en ce qui concerne les pneus usés.
À ce jour, 32 millions de pneus usés ont été recyclés ou
valorisés depuis l’adoption de cette politique.
Mais le succès le plus remarquable réside dans le fait que l’on
atteint maintenant le seuil de 85 % de récupération des pneus mis au rebut
chaque année, devançant le programme prévu à l’origine.
En effet, le ministre a souligné que ce seuil de 85 % ne devait être
atteint qu’en 2008. C’est dire
que six ans avant l’échéance prévue à la politique, la récupération et
la transformation du "flux courant des pneus" mis au rancart chaque
année sont maintenant sous contrôle. On
parle ici de six millions d’unités par année.
Il reste à régler le sort des anciens sites d’entreposage - environ 25
millions de pneus y dorment - que le ministre entend vider d’ici 2008.
Déjà 2 millions ont été récupérés de quatre sites majeurs et de
274 petits sites d’entreposage répartis un peu partout sur le territoire du
Québec. Il estime être en mesure
de respecter l’échéance prévue de 2008, peut-être même de la devancer.
Ce programme de récupération est administré en collaboration avec
Recyc-Québec. La vice-présidente
à l’exploitation, Ginette Bureau, a mentionné les possibilités de
recyclage des pneus en produits à base de caoutchouc :
sous-tapis, tapis dans les arénas, garde-boue, panneaux insonorisants.
Bref, toute une gamme de produits qui contribuent à l’essor
économique du Québec.
Gestion des pesticides
En juillet dernier, le ministre de l’Environnement André Boisclair rendait
publiques les règles qui, en vertu du Code de gestion des pesticides,
limiteront l’usage de ces toxiques dont plusieurs sont potentiellement
dangereux pour la santé humaine et l’environnement.
Il a opté pour une "approche progressive" interdisant d’abord
l’application des pesticides les plus nocifs sur les pelouses des espaces
verts publics, parapublics et municipaux ainsi que sur tous les terrains des
propriétés où se trouvent des enfants, incluant les parterres des écoles.
Le Code de gestion des pesticides est un projet avant-gardiste pour la
protection de la santé publique.
Le nouveau code régira strictement et, éventuellement, interdira l’utilisation
des mélanges engrais-pesticides par les entreprises d’entretien des
pelouses. La vente de ces produits
au grand public ne sera plus permise dans un délai d’un an.
Plusieurs produits jugés dangereux seront eux aussi interdits de vente
libre en magasin d’ici deux ans. La
vente de plusieurs autres produits actuellement d’usage domestique pour les
gazons sera prohibée dans trois ans. Cet
échelonnement dans le temps a pour but, selon le ministre, de "donner
aux gens le temps de s’ajuster, mais sans perdre de vue les priorités,
comme les enfants" et la santé publique.
Le milieu agricole sera également affecté par les exigences du nouveau code.
Il s’agit du principal utilisateur de pesticides au Québec.
Il est question de vérifier la compétence de ceux qui manipulent ces
produits, qu’ils proviennent du milieu agricole, forestier ou autre, et d’instituer
un système de permis et de certification.
La politique mise également sur la revalorisation des rives des cours
d’eau en favorisant la végétation naturelle.
Cette végétation riveraine agit comme filtre contre l’érosion qui,
elle, charrie pesticides et engrais.
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GÉRARD BERGERON, 1912-2002
Le professeur Gérard Bergeron, l’un des grands intellectuels du Québec du
XXe siècle, est décédé à Montréal le 16 août 2002.
La science politique, au Québec, est en deuil.
En 1954, à l’Université Laval, il fondait avec quelques collègues le
département de science politique de la Faculté des sciences sociales.
Il y a enseigné durant 30 ans. De
1981 à 1986, il a poursuivi sa carrière à l’École nationale d’administration
publique, une composante de l’Université du Québec.
Sa thèse de doctorat, publiée en 1964 avec une préface de Raymond Aron, Fonctionnement
de l’État, a constitué une contribution de premier plan à la théorie
de l’État. Il faut lui associer
son Petit traité de l’État paru en 1990.
Les relations internationales ont retenu longtemps son attention et il a
publié quelques ouvrages majeurs sur la guerre froide :
La guerre froide inachevée
en 1971, La guerre froide recommencée
en 1986 et Finie…la guerre froide ?
en 1992.
Tout au long de sa carrière, il s’est intéressé à la politique
canadienne et québécoise dont il a analysé la difficile cohabitation.
Il a publié ses écrits dans les journaux et revues ainsi que dans
plusieurs livres dont Le Canada
français après deux siècles de patience en 1967, Syndrome
québécois et mal canadien en 1981 et Notre
miroir à deux faces : Trudeau,
Lévesque… en 1985.
Enfin, jusqu’à ces dernières années, il a fait oeuvre d’historien et de
pédagogue en présentant au public les analyses politiques du XIXe
siècle relatives au Canada-français, au Québec, dans Lire François-Xavier Garneau (1809-1866) :
historien en 1994, dans Lire
Étienne Parent : notre
premier intellectuel (1802-1874) en 1994 et dans Révolutions
tranquilles à la fin du XIXe siècle, Honoré Mercier,
Félix-Gabriel Marchand en 1997.