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AUTOMNE 1999.

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CULTURE

Le livre

Naissance d'un grand réseau de librairies

À la mi-juin, les librairies Renaud-Bray ont fusionné avec les librairies Garneau et ont acheté les librairies Champigny. Ce nouveau réseau de librairies se compose de 23 succursales représentant 20 % du marché du livre au Québec et un chiffre d'affaires de 57 millions $.

Renaud-Bray avait pourtant frôlé la faillite en 1996. Ses créanciers lui avaient alors permis de survivre en acceptant d'effacer une dette de 7,5 millions $ contre paiement de seulement 2,5 millions $. Le Fonds de solidarité FTQ y avait injecté 1,7 million $. Trois ans plus tard, avec l'aide du Fonds de solidarité qui ajoute 3 millions $ à son investissement initial, Renaud-Bray devient le principal joueur dans la vente du livre au Québec. La Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) y maintient l'investissement de 1,7 million $ qu'elle détenait déjà dans Champigny.

La nouvelle chaîne de librairies, dont la raison sociale n'est pas encore connue, est largement répartie sur le territoire du Québec, plusieurs succursales étant situées à Montréal, quelques-unes à Québec et d'autres dans cinq villes de la province. Elle sera, croit-on, mieux placée pour faire face à la concurrence des grandes surfaces qui tendent à s'emparer du marché lucratif des succès de librairie en coupant les prix. Mais les libraires indépendants ne sont pas du tout rassurés par l'arrivée de ce nouveau géant.

Le prix des livres

Le Groupe de travail sur la consolidation et la rentabilité des librairies a remis son rapport en juin dernier mais n'a pas réussi à s'entendre sur l'épineuse question du prix du livre. Le projet de prix unique est toujours écarté, au grand regret de l'Association des libraires du Québec (ALQ) et aucune autre proposition n'est avancée. Le rapport a été transmis à la Commission du livre de la SODEC qui doit tenter de trouver un compromis entre les libraires indépendants, les chaînes de librairies et les magasins à grande surface qui font le commerce du livre.

Par ailleurs, sous tous les autres rapports, la Politique de la lecture et du livre de mai 1998 a fait l'objet d'un premier bilan très positif par la ministre de la Culture et des Communications Agnès Maltais. Les sommes annoncées ont été rendues disponibles, les bibliothèques publiques, librairies, éditeurs, auteurs et programmes d'éveil à la lecture en bénéficient déjà. À titre d'exemple, les budgets alloués à l'achat de livres par les bibliothèques scolaires ont doublé, passant de 3,4 à 6,8 millions $, ceux des bibliothèques publiques ont augmenté de 40 %, et 1 million $ a été consacré aux librairies au titre d'aide à la modernisation.

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Succès de librairie (de mai à août 1999)

Littérature
Chrystine Brouillet, Les fiancées de l'enfer, La Courte Échelle
Anne Hébert, Un habit de lumière, Seuil

Essais, études
Luc Bureau, Pays et mensonges, Boréal
Pierre Falardeau, Les boeufs sont lents mais la terre est patiente, VLB
Charles Sirois, Passage obligé, L'Homme

Note: Le roman de Gaétan Soucy, La petite fille aux allumettes (Boréal), se maintient parmi les succès de librairie depuis sa parution il y a un an.

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Pierre Perrault

Le cinéaste-poète Pierre Perreault est décédé à Montréal le 24 juin dernier à l'âge de 72 ans. Auteur de 30 documentaires qui explorent le pays du Québec et ses habitants, il a été le maître du cinéma direct. L'Office national du film (ONF) vient de publier un coffret-mémoire de son oeuvre en trois vidéo-cassettes. Tous peuvent désormais voir Pour la suite du monde, Les Voitures d'eau, La Bête lumineuse et tant d'autres films qui ont marqué le genre documentaire et le Québec.

Il a d'abord été un homme de parole, réalisant des séries radiophoniques : Chronique de terre et de mer, Le Chant des hommes, Au pays de Neufve-France. Ses écrits sont nombreux, ses poèmes ayant été réunis dans le recueil Chouennes. Il passe ensuite à l'image, d'abord à la télévision puis au cinéma, son art de prédilection, où, par ses images et par ses mots, il fait découvrir aux Québécois leur espace et leurs racines : Charlevoix, l'Île aux Coudres, la Côte-Nord, l'Abitibi, le Grand Nord et le fleuve Saint-Laurent omniprésent.


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Des festivals en abondance

Plus de 100 festivals se sont tenus au Québec au cours des douze derniers mois et plus de la moitié d'entre eux ont une dimension internationale souvent importante. Les touristes y viennent nombreux et se disent impressionnés par les spectacles bien sûr, mais aussi par l'atmosphère de fête et l'accueil des Québécois. Les festivals sont présentés tout l'été, surtout de la mi-juin à la mi-octobre.

Montréal et Québec sont les hauts lieux de ces festivités estivales. Certains de leurs festivals ont une réputation internationale bien établie. Le Festival international d'été de Québec, en était à sa 32e saison cet été. Des artistes venus de 26 pays s'y sont produits du 8 au 18 juillet sur 15 lieux de spectacles, les scènes extérieures se consacrant surtout à la chanson populaire, les salles de concert à la musique classique. La grande scène montée sur les Plaines d'Abraham attirait 40 000 spectateurs chaque soir.

À Montréal

À Montréal, trois festivals se distinguent particulièrement par leur ampleur et leur renommée : le Festival de jazz, le Festival des films du monde et le Festival juste pour rire.

Le Festival de jazz de Montréal en était cet été à sa 20e édition. C'est 1,5 million de spectateurs qui ont assisté à ses spectacles du 2 au 12 juillet. Chaque soir, 20 spectacles extérieurs sont offerts gratuitement ainsi que 12 spectacles payants, en salle. Les plus grands musiciens de jazz s'y produisent. Les organisateurs ont eu des sueurs froides cet été car, à la veille de l'ouverture du festival, la grève des techniciens de la Place des Arts les a obligés à relocaliser 17 concerts.

Le 23e Festival des films du monde s'est tenu à Montréal du 27 août au 6 septembre. Près de 300 films représentant 68 pays différents y ont été présentés. Un festival couru par le grand public. Le jury présidé par Bibi Andersson a décerné le Grand Prix des Amériques au film de l'Iranien Majid Majidi, La Couleur de Dieu. Mais c'est peut-être Goya à Bordeaux de Carlos Saura qui a le plus impressionné les divers publics; il a reçu le prix de la meilleure contribution artistique. Le prix de la meilleure mise en scène est allé à un Québécois, Louis Bélanger, pour son remarquable Post mortem.

Le Festival juste pour rire comporte deux volets : en français, c'est le Juste pour rire et en anglais, c'est le Just for laughs. Il est devenu l'incontournable festival des humoristes. Couru par 1,3 million de spectateurs, il a aussi attiré un millier de professionnels de l'industrie de l'humour et près de 500 spécialistes des médias. Cet été, le festival a offert 1372 représentations à l'extérieur et 631 en salle. Les 874 artistes qui s'y sont produits provenaient des cinq continents.

En régions

Les régions ne sont pas en reste et offrent souvent des festivals internationaux originaux et de haute qualité. En musique classique, le Festival international du Domaine Forget, à Saint-Irénée, dans Charlevoix, le Festival de Lanaudière, à Joliette, et le Festival Orford en Estrie sont en effet des classiques et s'étendent sur près de deux mois. D'autres festivals ont réussi à exploiter un créneau bien précis qui attire des participants du monde entier et des spectateurs fidèles. Mentionnons le Festival international de la musique actuelle de Victoriaville, le Carrefour mondial de l'accordéon de Montmagny, le Festival international de la chanson de Granby, le Festival folklorique des enfants du monde de Beauport, en banlieue de Québec, le Festival international de la poésie de Trois-Rivières. Il y a enfin un grand nombre de festivals régionaux très sympathiques qui ont souvent su développer leur réseau international et qui célèbrent soit les montgolfières, les feux d'artifice ou les cerfs-volants, soit le canard, l'oie blanche ou la giblotte, soit la culture latino-américaine, africaine, acadienne ou western, etc.

Une industrie culturelle

On le comprendra, les festivals sont devenus, au Québec, une véritable industrie. Une industrie culturelle. Ils ne se font pas sans l'aide des gouvernements, des sociétés privées, de la population. En effet, les bénévoles qui s'y dévouent avec enthousiasme et plaisir se comptent par milliers. La Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), une société d'État du Québec, verse annuellement d'importantes subventions aux festivals les plus prestigieux. Diverses grandes sociétés privées sont partenaires de ces événements. Jusqu'à ce jour, les compagnies de tabac ont contribué de larges sommes à plusieurs festivals afin de se donner une grande visibilité et une image de mécène. Mais les festivals doivent maintenant se trouver d'autres bailleurs de fonds car une loi du gouvernement canadien, la loi C-42, interdit désormais aux compagnies de cigarettes de s'afficher lors d'événements artistiques ou sportifs.

Outre les subventions et les partenariats, les sources de financement des festivals sont les commandites et la publicité, la billetterie, la vente de produits dérivés et le temps consacré par les bénévoles, une contribution que l'on devrait peut-être évaluer en dollars pour qu'elle soit pleinement appréciée. Ce sont donc des dizaines de millions de dollars qui sont consacrés au financement de ces festivals. Mais, disons-le, les retombées économiques sont au rendez-vous. Le Festival international d'été de Québec, par exemple, disposait cette année d'un budget de 5,6 millions $; l'activité économique qu'il génère serait évaluée à 60 millions $