QUÉBEC Info
AUTOMNE 1999
Culinar reste québécoise
Culinar, ce fleuron de l'industrie alimentaire du Québec, a fait l'objet d'une offre d'achat par le géant américain de l'alimentation, Interstate Bakeries, au début de juillet. Mais c'est le groupe québécois Saputo qui, le 5 août, a acheté Culinar en faisant une offre supérieure à celle d'Interstate. Culinar demeure donc québécoise.
Par ses origines, son histoire récente et son importance, Culinar fait figure de symbole du patrimoine économique du Québec. C'est la pâtisserie Vachon, fondée en 1923 à Sainte-Marie-de-Beauce par Anne-Marie et Arcade Vachon, qui est devenue l'important groupe Culinar, chef de file de la pâtisserie industrielle au Canada. Culinar opère quatre usines au Québec, deux en Ontario, et emploie 2500 personnes.
Par des acquisitions faites au fil des ans, l'entreprise s'est appropriée une histoire qui remonte au milieu du 19e siècle. Mentionnons, parmi les plus importantes : McCormicks, compagnie fondée en Ontario, en 1858 et acquise en 1988; Viau, fondée à Montréal en 1869 et achetée en 1969; Stuart, fondée à Montréal en 1896 et acquise en 1979.
Déjà en 1970, le géant américain Beatrice Foods avait tenté de mettre la main sur Vachon, semant l'émoi dans les milieux économiques et politiques du Québec. C'était l'époque de la révolution tranquille et de sa stratégie de reprise en main de l'économie québécoise. À l'insistance du Premier ministre Jean-Jacques Bertrand, le Mouvement coopératif Desjardins en devint propriétaire. En 1978, la Société québécoise d'initiatives agroalimentaires (SOQUIA), une société d'État, vint renforcer la capitalisation québécoise en acquérant 35 % des actions de l'entreprise qui pris alors le nom de Culinar. La transaction "visait à conserver entre les mains de Québécois la propriété de cet important complexe alimentaire", comme l'écrit le Prospectus 1977-1978 de SOQUIA.
Pour sa part le groupe Saputo, spécialisé dans la production de fromages et autres dérivés du lait, a commencé ses opérations au Québec en 1954. Il compte 27 usines dont 18 aux États-Unis et il emploie 3000 personnes. Il déboursera 283 millions $, soit 15 millions $ de plus que l'offre de Interstate Bakeries, pour les actions qui constituent le bloc contrôle et que possède Investissement Desjardins. La transaction a été rendue possible grâce à l'intervention de la Société générale de financement (SGF) dont SOQUIA est maintenant une filiale, et qui détenait un droit de premier refus sur les actions de Desjardins. Dans un premier temps, la SGF achètera, au prix offert par Interstate, les actions que Desjardins détient. Elle les revendra, avec les actions qu'elle détenait déjà, au groupe Saputo, au prix offert par ce dernier. Enfin, la SGF injectera 100 millions $ dans le groupe Saputo et détiendra ainsi 4,9 % de ses actions.
L'intérêt de l'offre d'Interstate Bakeries tenait au fait que ce géant de l'alimentation ouvrait la porte d'un réseau de distribution américain aux produits Culinar, déjà présents dans le nord-est des États-Unis, lui laissant présager une importante croissance de sa production au Québec, même si le contrôle de la compagnie passait aux mains des Américains. Le groupe Saputo, déjà fortement implanté aux États-Unis où il réalise 70 % de son chiffre d'affaires, semble lui aussi prédire un avenir prometteur tout en maintenant le contrôle au Québec. Cette question du contrôle québécois des entreprises est toujours présente même si elle n'est pas aussi sensible qu'autrefois. Le ministre des Finances, Bernard Landry, rappelait à ce propos que l'on devait accepter que des intérêts étrangers achètent certaines de nos entreprises si l'on voulait que des entreprises de chez nous continuent d'acheter des entreprises dans les autres pays.
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Quebecor devient le numéro un mondial dans l'imprimerie
Une entente intervenue en juillet dernier entre Quebecor, la filiale imprimerie du Groupe Quebecor, et l'entreprise américaine World Colour permettra à la multinationale québécoise de prendre le contrôle du troisième imprimeur américain et de s'implanter solidement sur le marché américain. Cette transaction qui se chiffre à 2,7 milliards $ donnera naissance à une nouvelle entreprise qui se nommera Quebecor World.
Quebecor réalise ainsi, et de façon spectaculaire, un objectif qu'elle poursuit depuis une vingtaine d'années. Au début des années 1980, l'acquisition du Philadelphia Journal s'était soldée par un échec et le journal a dû fermer après avoir accumulé des pertes de plusieurs millions. En 1990, l'achat des opérations américaines de l'empire Maxwell a permis à Quebecor de faire une première percée américaine. Avec sa dernière acquisition, Quebecor devient, dans le secteur de l'imprimerie, la plus importante entreprise aux États-Unis et dans le monde.
Les deux entreprises ont fait preuve d'un dynamisme comparable au cours des dernières années. Quebecor a réalisé 60 acquisitions depuis 1992 et son chiffre d'affaires s'est accru de 265 %. World Colour, pour sa part, a procédé à 25 acquisitions qui ont fait croître son chiffre d'affaires de 145 %. L'imprimerie est une industrie très fragmentée et, malgré l'importance de cette transaction, les ventes de la nouvelle entreprise ne représenteront, aux États-Unis, que 5 à 6 % du marché. Les organismes de réglementation de la concurrence devraient donc approuver la transaction sans difficulté.
Les analystes financiers ont bien accueilli la nouvelle. Quebecor pourra pousser plus loin la rationalisation de ses opérations et accroître le taux d'occupation des facilités de production, facteur déterminant de la rentabilité dans cette industrie. La seule ombre au tableau provient de la dette globale du groupe Quebecor qui sera portée à 2,9 milliards $. L'agence de cotation Standard & Poor's a placé la cote du groupe sous observation avec une perspective négative. Pour les observateurs avertis, il s'agit d'une décision normale dans un cas semblable, car la transaction comporte plusieurs étapes et ne sera complétée que dans quelques mois.
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La Société générale de financement et la mondialisation
La Société générale de financement, créée en 1962, a fait l'objet d'une importante réorganisation en 1998. Le gouvernement du Québec a voulu ainsi confirmer sa volonté de demeurer un joueur actif dans la promotion du développement économique du Québec, tout en adaptant son action au nouveau contexte de l'économie mondiale.
Le mandat original de la SGF était de favoriser l'élargissement de la structure industrielle du Québec, en initiant au besoin des projets d'envergure, et d'encourager la participation du public à l'économie. Cette initiative était alors en rupture avec la tradition politique du Québec. Depuis le début du siècle, tous les gouvernements professaient un non-interventionnisme classique où le rôle de l'État se limitait à faciliter la réalisation des projets des entrepreneurs privés, le plus souvent étrangers, intéressés surtout aux abondantes richesses naturelles du Québec et à sa main-d'oeuvre peu coûteuse. La SGF fut la première réalisation du gouvernement Lesage élu en 1960 sur un programme de réforme sociale et de rattrapage économique. Elle fut la première pierre d'un édifice économique original connu sous le vocable de Québec Inc. et qui constitue un volet important de ce qu'il est convenu d'appeler le "modèle québécois".
La SGF était à l'origine une entreprise mixte où les caisses populaires et le grand public devaient détenir la majorité des actions. Cette formule fut abandonnée en 1972 par suite de mauvais résultats financiers. Le gouvernement racheta alors les actions dépréciées détenues par le public, et ce, à un prix qui limitait les pertes pour les détenteurs. Cette première période, marquée par l'acquisition de plusieurs entreprises familiales aux prises avec des problèmes de succession, ne devait jamais donner les résultats escomptés. Le cas le plus connu est celui des chantiers maritimes de Sorel, source de pertes importantes pour la SGF qui s'en est départis au cours des années 1980. La SGF a aussi initié des projets de développement industriel. Le plus audacieux, l'implantation d'une usine de montage automobile en association avec Renault, s'est soldé par un échec et des pertes importantes. Cette première phase de l'existence de la société n'aura finalement servie qu'à l'apprentissage de l'État en matière économique.
Il faudra attendre les années 1980 pour que la SGF devienne profitable. Elle s'oriente alors vers des projets ambitieux, notamment dans le secteur du papier et de l'aluminium. Ses participations dans la papetière Donohue et dans l'Aluminerie de Bécancour furent source d'importants profits lors de leur disposition en 1989 et en 1995. Entre 1990 et 1995, des dividendes de près de 500 millions $ ont été versés au gouvernement. La formule retenue avec succès, et qui a toujours cours, est celle d'une participation minoritaire, en association avec des partenaires privés.
Une mission de partenariat
Selon ses statuts modifiés en 1996, la SGF a pour mission la recherche de partenaires pour la réalisation de projets de développement industriel au Québec. Cette réorientation a pris toute son importance lors de la réorganisation de la SGF effectuée en 1998. La société est devenue un holding qui regroupe la plupart des sociétés d'État du Québec à vocation industrielle. Soquia, Soquem, Rexfor et Soquip, des sociétés d'État spécialisées dans les secteurs agroalimentaire, minier, forestier et pétrolier, sont ainsi devenues des filiales de la SGF. Par la même occasion, le gouvernement s'engageait à investir, sur une période de cinq ans, 2 milliards $ dans le capital de la SGF. Durant cette période, la SGF a comme objectif de générer des investissements totaux de 10 milliards $ et la création de 10 000 emplois.
Le nouveau président de la SGF, Claude Blanchet, est entré en fonction en 1997 et avait d'abord fait sa marque dans le secteur privé. Sous son impulsion, la société d'État s'est rapidement transformée en un centre de recherche de projets prometteurs au Québec et d'entrepreneurs compétents à travers le monde. Les participations de la SGF se multiplient, passant d'une vingtaine en 1997 à 44 à la fin de 1998, et elles atteindront la centaine à la fin de l'année 1999.
Mais la nouvelle orientation de la société d'État ne fait pas l'unanimité. Pour le Parti libéral du Québec qui forme l'Opposition officielle, le gouvernement va à l'encontre des tendances mondiales où l'on assiste plutôt à un désengagement de l'État. Ces objections ont trouvé des échos dans la communauté des affaires où les opinions sont toutefois partagées. Les propos élogieux à l'endroit de la SGF ne sont pas rares, venant surtout de ses partenaires dont le nombre va croissant. Ils louent notamment le rôle constructif qu'elle joue dans le développement des projets d'affaires. Pour le ministre des Finances, Bernard Landry, l'intervention de l'État pour stimuler les investissements au Québec est toujours nécessaire, et le sera aussi longtemps que le taux de chômage y demeurera élevé. Cette intervention étatique avait besoin d'être adaptée au contexte de l'économie d'aujourd'hui, ce qui a été fait.
Depuis sa création, la SGF affiche un bilan positif. Elle a accumulé des surplus de 750 millions $ et les dividendes de 500 millions $ qu'elle a versés au trésor québécois excèdent de quelques millions les sommes que celui-ci y a investies. Si on ajoute à ce tableau les 5,7 milliards $ d'investissements générés par la SGF et ses partenaires depuis 10 ans et les 18 000 emplois qui en ont résulté, la pertinence de la SGF pour l'économie québécoise est plutôt probante.
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Fusion des alumineries
Coup sur coup, deux projets de fusion entre les plus grands producteurs mondiaux d'aluminium ont fait les manchettes des médias québécois au milieu du mois d'août. L'importance de cette industrie pour l'économie québécoise et la présence au Québec de quatre des entreprises concernées dans ces opérations de fusion justifient l'intérêt porté à ces nouvelles. La première annonce est venue d'Alcan et de deux producteurs européens, Peychiney et Alusuisse, qui ont fait état de pourparlers de fusion que la direction des trois entreprises est déterminée à mener à terme dans les quatre prochains mois. Le groupe fusionné deviendrait le premier producteur mondial du métal blanc. À peine deux jours plus tard, l'actuel numéro un mondial, Alcoa, répliquait avec l'annonce d'une offre publique d'achat de Reynolds.
Si ces fusions se réalisent, le nombre de producteurs d'aluminium au Québec sera ramené de quatre à deux. Alcoa, qui possède une usine au Québec depuis l'acquisition d'Alumax en 1998, ajouterait à ses opérations l'usine de Reynolds à Baie-Comeau et détiendrait 75 % des parts de l'Aluminerie de Bécancour par l'addition de la participation de Reynolds (50 %) à celle d'Alumax (25 %). Alcan resterait le premier producteur québécois, ajoutant à ses installations actuelles la part de Peychiney dans l'Aluminerie de Bécancour.
Les analystes ne prévoient pas de pertes d'emplois au Québec par suite de ces fusions. Des assurances ont été données à cet effet par la direction d'Alcan, qui emploie 12 000 des 14 000 salariés québécois de l'industrie. Mais ces déclarations ne rassurent pas complètement les représentants syndicaux qui craignent des fermetures plus rapides que prévues dans les trois usines plus anciennes d'Alcan qui emploient 2300 personnes. Autre sujet d'inquiétude, le siège social d'Alcan qui compte 400 personnes. La nouvelle compagnie affirme vouloir le maintenir à Montréal et que, même si elle entend ouvrir un bureau de direction à New York, les activités de celui-ci y seront limitées aux relations avec les milieux financiers.
Ces projets peuvent toutefois se heurter à des objections de la part des organismes de contrôle anti-monopole aux États-Unis et en Europe. Les cinq entreprises impliquées dans ces projets de fusion figurent déjà parmi les plus grands producteurs mondiaux. Alcoa, Alcan et Peychiney occupent les trois premières places mondiales. Les deux groupes fusionnés représenteront à eux seuls le quart de la production mondiale. D'où les inquiétudes exprimées en matière de concurrence.
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Forex convoitée par deux entreprises américaines
Deux importantes entreprises américaines se font la lutte, depuis le début de l'été, pour l'acquisition du groupe Forex. L'entreprise québécoise possède trois usines et emploie 750 personnes.
Elle est spécialisée dans la production de panneaux faits de particules orientées, un produit de substitution au contreplaqué dans la construction résidentielle. Ces panneaux sont constitués de lamelles de tremble et de bouleau pressées avec des résines. Le produit présente des qualités comparables au contreplaqué mais sa popularité tient surtout à son coût beaucoup plus avantageux. Avec 8 % de la production nord-américaine, Forex est le quatrième producteur en Amérique du Nord.
La première offre est venue de la Louisiana Pacific, de Portland en Oregon, le plus gros producteur de panneaux à particules orientées en Amérique du Nord, avec 22 % de la production. La Boise Cascade, de Boise en Idaho, est entrée dans la course quelques jours plus tard. Cette entreprise est spécialisée dans la production de matériaux de construction et de matériel de bureau. Elle possède 37 usines en Amérique du Nord, en Europe et en Australie, et emploie 23 000 personnes. Chacune des entreprises a renchéri au cours de l'été, poussant les actions de Forex à 32,35 $ selon la dernière offre de Boise Cascade; leur première offre s'élevait à 26 $. Au cours de la dernière année, les actions de Forex s'étaient vendues pour un prix aussi bas que 5,80 $.
Quel que soit le gagnant de la course, l'entreprise passera sous contrôle américain, puisque les principaux actionnaires se sont engagés à déposer les 42,5 % d'actions qu'ils contrôlent. Ils n'ont toutefois pas écarté la possibilité d'accepter une offre plus avantageuse, auquel cas ils devront verser un dédommagement de plusieurs millions de dollars. Le changement de contrôle de la société ne devrait pas avoir de conséquences négatives pour les activités de l'entreprise au Québec puisque l'intérêt suscité par Forex tient à la modernité de ses installations et à l'abondance de ses réserves forestières. Les représentants des employés ne craignent pas pour la sécurité des emplois qui sont davantage dépendants du marché résidentiel américain que des proriétaires de l'entreprise. Le milieu régional des affaires déplore quant à lui le changement de propriété. La proximité des propriétaires d'une entreprise est un atout pour l'économie d'une région; les interactions avec Forex seront rendues plus difficiles avec l'éloignement du centre de décision.
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Les forêts du Québec
La forêt boréale
Le chanteur-compositeur Richard Desjardins a lancé un véritable pavé dans .... la forêt québécoise. Lui-même natif d'une région forestière, l'Abitibi, - on se souvient de son album Abbittibbi - il a produit un vidéo-choc dénonçant les coupes que les compagnies forestières effectuent sur d'immenses territoires de la forêt boréale québécoise. Il s'agit d'un pamphlet fait d'images qui nous indignent. Quelle désolation en effet que ces immenses régions qui viennent d'être coupées !
Le film de Richard Desjardins et Robert Monderie s'intitule l'Erreur boréale. D'abord lancé au début de février lors des Rendez-vous du cinéma québécois, il a été diffusé à la télévision à la fin de mars, à Radio-Canada et à Télé-Québec, et repris par la suite dans de nombreux forums à travers le Québec.
Desjardins accuse les compagnies forestières de détruire et de ravager la forêt boréale par la coupe à blanc. Il accuse aussi le gouvernement québécois d'être à la solde des compagnies et de brader notre patrimoine forestier, de ne pas gérer de façon démocratique et au grand jour l'exploitation de la forêt. De plus, il blâme l'industrie et le gouvernement de ne consacrer que des miettes à la recherche et de compromettre le développement durable et la biodiversité des forêts.
Une telle charge ne pouvait rester longtemps sans réplique. Elle est venue du ministre des Ressources naturelles, mais aussi de l'industrie forestière, de scientifiques et chercheurs et même d'écologistes.
Le ministre des Ressources naturelles du Québec, Jacques Brassard, responsable de la forêt québécoise, accuse à son tour Desjardins et Monderie d'avoir ignoré tout ce que l'on sait de la forêt boréale du Québec, de la façon dont elle est réglementée, gérée, exploitée et de la recherche qui s'y fait. Elle n'est pas l'objet de déforestation comme c'est le cas lorsque la forêt est détruite pour faire place à un autre usage du sol tel que l'agriculture ou l'habitation. La forêt du Québec est exploitée rationnellement dans la perspective de son renouvellement et de la protection de la biodiversité. Chaque année, 1 % de la forêt fait l'objet d'une coupe et celle-ci se regénère spontanément dans une proportion de 80 %, comme c'est le cas (fréquent en ce qui concerne la forêt boréale) après un incendie; l'autre 20 % est régénéré avec l'aide de la plantation. La forêt du Québec est gérée selon un régime forestier qui a été adopté par l'Assemblée nationale en 1987. Depuis deux ans, on travaille à la mise à jour de cette loi. Lors de la consultation de l'automne 1998, 500 mémoires ont été reçus et, cet automne, un avant-projet de loi sera déposé et soumis à une vaste consultation publique. Chaque année, plus de 15 millions $ sont consacrés à la recherche sur la forêt boréale et 10 millions $ à en faire l'inventaire.
Du côté de l'industrie forestière, les compagnies Domtar et Donohue ainsi que l'Association des industries forestières du Québec font remarquer, en plus, que le film manifeste une ignorance totale du processus de régénération de la forêt boréale et de ce que fait l'industrie pour en assurer la régénération. La coupe à blanc n'est plus pratiquée, les papetières effectuant désormais la "coupe avec protection de la régénération et des sols" (CPRS). De plus, l'industrie plante 100 millions de jeunes arbres chaque année et contribue aux budgets mis à la disposition des chercheurs.
L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, le Regroupement des sociétés d'aménagement forestier du Québec, scientifiques et chercheurs s'entendent pour dire que le film de Desjardins a l'avantage de susciter l'intérêt du public pour la forêt boréale et de soulever un débat public d'envergure. Mais ils constatent que le débat ne peut se faire à partir de ce film qui impressionne sans éclairer et qui accuse sans avoir instruit le dossier. Ils sont tous d'accord pour dire que le régime forestier actuel est perfectible et que sa révision en cours offre justement l'occasion de le bonifier.
Deux écologistes vont plus loin. Patrick Moore, fondateur de Greenpeace, et Claude Villeneuve, fondateur de la Région laboratoire du développement durable, estiment tous deux que Desjardins se trompe de cible, est en retard d'une génération et pourrait nuire aux partisans du développement durable.
L'industrie et le gouvernement s'inquiètent aussi de l'impact que le film pourrait avoir sur les marchés des États-Unis et d'Europe. Le 21 mai, la Commission de l'environnement du Conseil de l'Europe s'intéressait aux forêts canadiennes. Le gouvernement du Québec y a délégué le sous-ministre aux Forêts, Marc Ledoux, et l'Assemblée nationale du Québec deux députés, Michel Létourneau et André Chenail, afin de bien informer les parlementaires européens de la situation.
La forêt mixte
Il ne faut pas oublier que la forêt que la majorité des Québécois connaissent, celle de la vallée du Saint-Laurent, n'est pas une forêt boréale mais une forêt méridionale, une forêt feuillue ou mixte dont le cycle de reproduction et le régime d'exploitation sont bien différents de ceux de la forêt boréale. Papeteries et scieries exploitent les forêts québécoises, boréales et méridionales mais ne sont plus en compétition comme elles l'étaient auparavant. Une proportion de plus en plus grande du bois récolté l'est par les scieries et celles-ci sont intéressées aux arbres de meilleure qualité, pas seulement par la quantité, et elles vendent par la suite leurs copeaux aux papetières.
Autres aspects
Il n'y a pas que les papetières et les scieries qui s'intéressent à l'exploitation de la forêt. Au Québec, il existe 38 coopératives forestières qui sont regroupées au sein de la Conférence des coopératives forestières du Québec (CCFQ). Elles sont responsables de 50 % des travaux sylvicoles et de 25 % des coupes forestières réalisées sur le territoire.
Quatorze expériences de "forêt habitée" sont en cours dans autant de régions du Québec. Ces forêts sont exploitées en fonction de toutes les ressources que recèle une forêt et dans une perspective communautaire et sociale autant qu'économique.
Un professeur de l'Université du Québec à Rimouski, Léonard Otis, propose dans son livre Une forêt pour vivre (Les Presses de l'Université du Québec), un projet de fermes forestières spécifiquement adapté à la vallée du Saint-Laurent et qui pourrait donner une nouvelle impulsion à plusieurs régions.
Soulignons, par ailleurs, que la ville de Québec a été choisie pour être l'hôte du 12e Congrès forestier mondial qui se tient tous les six ans sous l'égide de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Quelque 5000 congressistes se réuniront durant 10 jours pour échanger sur tout ce qui concerne la forêt.
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L'économie du Québec en 1999 : révision à la hausse des perspectives
Tous les observateurs de la scène économique ont révisé à la hausse leurs prévisions pour le Québec. Alors qu'en début d'année la croissance moyenne anticipée du PIB par les principales institutions financières s'établissait à 2 %, les plus récentes révisions la fixent à 3,1 %. Ces statistiques proviennent de compilations tenues à jour par le ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec.
À la mi-juin, la Caisse de dépôt et placement du Québec était la première institution à diffuser des prévisions révisées, anticipant une croissance du PIB de 3,3 % plutôt que de 2,4 % telle qu'annoncée en début d'année. Peu après, la Banque Toronto-Dominion y allait de prévisions identiques tandis que la Banque de Montréal haussait sa prévision à 3,5 %. Les prévisions antérieures de ces deux institutions s'établissaient à 2 % et à 1,8 % respectivement.
Cette nouvelle lecture dans les boules de cristal a sans doute quelque chose à voir avec les bonnes nouvelles diffusées au cours de l'été sur la performance de l'économie québécoise en début d'année. La croissance du PIB pour le premier trimestre de 1999 a atteint 5,1 % selon l'Institut de la statistique du Québec. Tous les secteurs ont montré une bonne performance. La progression de 15 % dans les investissements des entreprises est à elle seule révélatrice d'un climat de confiance très favorable de la part des entrepreneurs.
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Indicateurs économiques
- Le taux d'escompte a été abaissé de 5 % à 4,75 % par la Banque du Canada au début de mai, une variation de 25 points centésimaux. Au premier septembre, il est toujours à 4,75 %.
- Le dollar canadien, exprimé en devises américaines, a fléchi de 67,65 ¢ US au début de mai à 66,89 ¢ US à la dernière semaine d'août, pour une dépréciation de 0,76 ¢ US. Les plancher et plafond de la période ont été respectivement de 66,28 ¢ US et de 68,64 ¢ US.
- Le produit intérieur brut (PIB) réel aux prix du marché, c'est-à-dire corrigé pour enrayer l'effet de la variation des prix (inflation, déflation), s'est accru en 1998 de 2,9 % comparativement à 2,8 % en 1997. Précisons, dans ce PIB, qu'au poste de la rémunération des salariés, on enregistre une croissance de 2,9 % en 1998 et qu'au poste des bénéfices des sociétés, on note, avant impôt, une diminution de 0,9 %, le tout sans exclusion par ailleurs de l'effet de la diminution des prix qui a été de 0,3 %.