Automne 1998
Assembl�e nationale : bilan de la derni�re session parlementaire
L'Assembl�e nationale a mis un terme, le 19 juin dernier, � la session qu'elle avait entreprise le 10 mars. Cette session se solde par un bilan positif au regard des grands objectifs de relance de l'�conomie et de l'emploi et dans le r�tablissement des finances publiques. Le secteur de la sant� et celui de la culture ne sont pas en reste pour autant. Au total, 48 projets de loi ont �t� adopt�s, dont plusieurs sont pr�sent�s dans ce num�ro.
S'agissant d'�conomie, l'adoption de la Loi sur le regroupement de certaines soci�t�s d'�tat vise � consolider les leviers de d�veloppement �conomique.
En mati�re de sant�, la loi sur le tabac exprime clairement quant � elle la volont� du gouvernement d'investir dans la qualit� de vie des citoyens et de lutter plus efficacement contre plusieurs probl�mes de sant�.
C'est dans cette m�me perspective que le gouvernement du Qu�bec a cr�� sa propre agence d'approvisionnement en sang et en produits sanguins, H�ma-Qu�bec, en plus d'instituer un comit� de surveillance des risques li�s � la transfusion. H�ma-Qu�bec prendra la rel�ve de la Croix-Rouge canadienne en mati�re de produits sanguins.
L'une des pi�ces ma�tresses de la derni�re l�gislature aura sans doute �t� la Loi sur le soutien du revenu, favorisant l'emploi et la solidarit� sociale. Cette loi vient compl�ter le vaste red�ploiement des services d'emploi et de soutien au revenu en mettant l'accent sur des mesures actives qui favorisent l'acc�s � l'emploi tout en pr�servant la solidarit� sociale pour les personnes ayant besoin de protection.
Enfin, la loi sur la Grande biblioth�que du Qu�bec, qui sera construite � Montr�al, aura pour effet de mettre en valeur le patrimoine documentaire qu�b�cois et de doter la population d'un outil majeur au plan culturel et �ducatif.
Au terme de cette session, les membres de l'Assembl�e nationale ont fait l'unanimit� sur une motion pr�sent�e par le Chef de l'Opposition officielle, Daniel Johnson, au moment o� celui-ci quittait ses fonctions. Cette motion cherchait � faire reconna�tre les droits des victimes du sang contamin�, atteintes de l'h�patite C, qui ont �t� �cart�es du programme d'indemnisation. Au-del� des consid�rations budg�taires et l�galistes, ce sont les consid�rations humanitaires qui ont prim� dans le processus conduisant � cette d�cision.
Ville de Qu�bec : affirmation en tant que capitale nationale
Depuis l'�tablissement de l'Habitation de Champlain au pied du Cap Diamant en 1608, la ville de Qu�bec a exerc� le r�le de capitale du monde francophone en Am�rique du Nord. Pour un temps, elle a �galement �t� le si�ge du Parlement du Canada. C'est en 1867, lors de la signature de l'Acte de l'Am�rique du Nord Britannique que la ville s'est vue attribuer le statut de capitale du seul �tat de langue fran�aise en Am�rique du Nord, la province de Qu�bec.
Plus r�cemment toutefois, l'avenir de la ville de Qu�bec en a inqui�t� plusieurs, son importance comme si�ge du gouvernement diminuant en raison du d�placement vers Montr�al d'organismes gouvernementaux. Et ces derni�res ann�es, la r�duction des effectifs de la Fonction publique, principal employeur de la r�gion, a creus� un trou dans son �conomie.
D�s 1994, le gouvernement a pos� un geste significatif en cr�ant la Commission de la capitale nationale. En 1996, le maire Jean-Paul L'Allier a sonn� l'alarme et amen� les �lites de la r�gion � former un Groupe de travail qui s'est pench� sur l'avenir de la fonction publique et sur celui de Qu�bec comme capitale nationale et comme �conomie r�gionale. C'est dans la foul�e de ce Groupe de travail que le gouvernement a confi� � un comit� interminist�riel, pr�sid� par le ministre Jean Rochon, le mandat de d�finir une politique � l'�gard de Qu�bec, capitale nationale.
Cette politique d�voil�e le 29 juin dernier, comprend deux orientations : affirmer Qu�bec comme capitale nationale et assurer le d�veloppement de son �conomie. On confirme Qu�bec comme lieu de l'exercice des fonctions l�gislatives, gouvernementales et diplomatiques. Le gouvernement a adopt� un cadre de r�f�rence pour la localisation des bureaux centraux des minist�res et des si�ges sociaux des organismes gouvernementaux. Il y a m�me inclus une "clause capitale" qui rendra obligatoire l'identification des impacts sur la capitale de tout projet �manant des minist�res et organismes au moment de leur pr�sentation au Conseil du tr�sor et au Conseil des ministres. Ainsi, les organismes gouvernementaux, r�gies, tribunaux administratifs et offices seront dor�navant localis�s � Qu�bec. Des exceptions � cette r�gle seront possibles, mais d�monstration devra �tre faite des imp�ratifs �conomiques ou sociaux qui dictent leur �tablissement dans une autre r�gion.
Cette politique vise �galement � corriger les effets pervers des compressions des effectifs de la Fonction publique et � diversifier l'�conomie de la r�gion. Le secteur manufacturier n'occupe que 9,3 % de la main-d'oeuvre contre 85 % pour le secteur tertiaire. Un fonds de 25 millions $ a �t� cr�� pour contribuer au d�veloppement et � la mise en place d'entreprises de haute technologie. Il s'agira d'appuyer les initiatives priv�es visant � renforcer le r�le de la capitale comme p�le multisectoriel d'expertise gouvernementale, d'enseignement universitaire, de recherche et de d�veloppement, et � accentuer la croissance de l'industrie touristique. Des institutions culturelles se verront accorder un statut national et des ressources accrues afin de d�velopper des projets qui contribueront � faire reconna�tre Qu�bec comme carrefour de la Francophonie en Am�rique. L'objectif d�clar� est de r�duire de moiti� le ch�mage, le faisant pass� de 10 � 5 % d'ici l'an 2010.
Cette politique esquive toutefois un �l�ment d'un ordre plus symbolique mais qui est n�anmoins l'occasion de d�bats passionn�s : l'absence de r�sidence de fonction pour le Premier ministre et pour le Chef de l'opposition. Depuis Jean Lesage, les premiers ministres et les chefs de l'opposition n'ont pas r�sid� en permanence � Qu�bec � l'exception, br�ve, de Jacques Parizeau. Originaires de Montr�al pour la plupart, ils se sont content�s d'occuper, � Qu�bec, un pied-�-terre plut�t qu'une v�ritable r�sidence. Ce projet de r�sidence officielle sera repris le jour o� il ne fera plus l'objet de d�bats partisans et, disons-le, souvent mesquins.
La Cour supr�me du Canada se prononce sur la l�gitimit� de l'ind�pendance du Qu�bec
Le 26 septembre 1996, le gouvernement du Canada demandait l'avis de la Cour supr�me sur l'�ventuelle accession du Qu�bec � l'ind�pendance. Ottawa posait trois questions qui se r�sument ainsi :
1. Le Qu�bec peut-il, en vertu de la Constitution, proc�der unilat�ralement � la s�cession ?
2. Le Qu�bec peut-il, en vertu du droit international, proc�der unilat�ralement � la s�cession ?
3. Advenant un conflit entre le droit interne (la Constitution du Canada) et le droit international, lequel aurait pr�s�ance ?
Le gouvernement f�d�ral souhaitait une r�ponse rapide � ces questions en apparence simples. Les juges ont d�cid� eux-m�mes de la fa�on de proc�der et de l'�ch�ance, de telle sorte que la r�ponse n'est venue que deux ans plus tard, soit le 20 ao�t 1998.
� Qu�bec, l'avis demand� par le gouvernement canadien fut per�u comme une fa�on d'aller chercher des appuis d'ordre juridique sur un sujet strictement d'ordre politique, une fa�on de refuser � l'avance l'expression d�mocratique d'un peuple, au nom, en plus, d'une constitution que le Qu�bec n'a jamais accept�e. Aussi, lors des auditions, le gouvernement du Qu�bec refusa d'y participer et d'y envoyer son procureur. La Cour supr�me d�cida alors de nommer elle-m�me un procureur, un amicus curiae, qui pr�senterait le point de vue du Qu�bec. Ce fut Me Andr� Joli-Coeur qui plaida, entre autres, que la Cour supr�me devait refuser de se saisir d'une question qui �tait absente de la Constitution et qui �tait d'ordre politique et non pas d'ordre juridique.
Dans son avis consultatif rendu en ao�t dernier, la Cour supr�me juge qu'elle est comp�tente et qu'elle doit donner une r�ponse qui est, en gros, la suivante.
� la question 1, la Cour est d'avis que "la s�cession d'une province ne peut �tre r�alis�e unilat�ralement (...) c'est-�-dire sans n�gociations". Chacune des parties � la f�d�ration a le droit de prendre l'initiative de modifications constitutionnelles et les autres ont l'obligation d'engager des discussions. "Un vote qui aboutirait � une majorit� claire, en r�ponse � une question claire, au Qu�bec en faveur de la s�cession, conf�rerait au projet de s�cession une l�gitimit� d�mocratique que tous les autres participants � la Conf�d�ration auraient l'obligation de reconna�tre. (...) Les n�gociations qui suivraient un tel vote porteraient sur l'acte potentiel de s�cession et sur ses conditions �ventuelles si elle devait effectivement �tre r�alis�e."
� la question 2, la Cour r�pond que non, le Qu�bec ne poss�de pas, en vertu du droit international, le droit de proc�der unilat�ralement � la s�cession. Elle ajoute toutefois que "le succ�s ultime d'une telle s�cession d�pendrait de sa reconnaissance par la communaut� internationale".
� la question 3, la Cour r�pond qu'il n'y a pas conflit entre le droit interne et le droit international sur cette question.
Les leaders politiques se sont d'abord tous d�clar�s satisfaits de l'avis de la Cour supr�me, avec plus ou moins d'enthousiasme toutefois. Mais, d�s le lendemain, la pol�mique reprenait de plus belle pour d�terminer qui �tait le v�ritable b�n�ficiaire de cet avis consultatif de la Cour supr�me. Chose certaine, le projet de souverainet� du Qu�bec, le projet de s�cession comme dit la Cour supr�me, est d�clar� l�gitime. Les �ditorialistes du Canada anglais qui criaient � la tra�trise face � ce projet devront changer de discours. Quant � la n�gociation, elle fait partie du projet qu�b�cois depuis le premier r�f�rendum sur la souverainet�. Mais tous savent � pr�sent que le Canada anglais, dans une telle situation, a le devoir de n�gocier de bonne foi.
Loi sur le tabac : pour l'am�lioration de la sant� publique
La lutte contre le tabagisme a franchi une nouvelle �tape lorsque, � l'unanimit�, les membres de l'Assembl�e nationale ont adopt� la Loi sur le tabac, le 17 juin dernier. Le ministre de la Sant�, Jean Rochon, auteur de ce projet, visait surtout l'am�lioration de la sant� publique. Quelques objectifs secondaires �taient dans la mire du ministre et de ses supporteurs, regroup�s sous la coalition anti-tabac qui avait pr�sent� des m�moires lors des audiences publiques de la Commission parlementaire des Affaires sociales.
Les statistiques sont �loquentes et fournissent des arguments de taille. Chaque ann�e au Qu�bec plus de 11 000 d�c�s sont attribuables directement � la consommation de tabac, alors que les co�ts annuels des soins de sant� engendr�s par les victimes du tabagisme s'�l�vent � 600 M $. Et les perspectives n'ont rien d'encourageant puisque le nombre de fumeurs semble en nette progression chez les jeunes; la proportion des fumeurs est pass�e de 15 � 23 % entre 1991 et 1994. Depuis la publication d'�tudes d�montrant que les non-fumeurs constituent des victimes passives de la fum�e, l'anti-tabagisme s'est gagn� de nouveaux supporteurs malgr� le lobby des multinationales du tabac, des d�taillants et des b�n�ficiaires de leurs commandites qui ont d�ploy� l'artillerie de circonstance. L'unanimit� de l'Assembl�e nationale a �t� faite sur la qualit� de la sant� publique. Le Qu�bec rejoint ainsi, en cette mati�re, les pays de la Communaut� europ�enne, les �tats-Unis et quelques provinces canadiennes.
La disposition la plus m�diatis�e a �t� l'interdiction de toute commandite associ�e � la promotion du tabac. Les grands �v�nements, autant sportifs que culturels, s'alimentent copieusement � cette source. La loi les invite � abandonner toute commandite de fabricants de tabac d'ici le premier octobre 2000 avec, en contrepartie, la possibilit� d'avoir acc�s � un fonds compensatoire pendant trois ans, question de disposer du temps n�cessaire pour trouver de nouveaux commanditaires. Elle leur permet de conserver les fabricants de tabac comme commanditaires jusqu'en 2003, sans droit de participation au fonds compensatoire mis en place par le gouvernement.
La loi contient �galement des dispositions qui touchent la vente, la promotion, la publicit� et l'emballage, la composition du tabac et m�me les rapports publi�s par les fabricants. Dans l'une des dispositions relatives � la vente, le gouvernement impose aux pharmacies de cesser toute vente de tabac le premier octobre 2000. Il a �t� pris de vitesse par une d�cision du Tribunal de l'Ordre des professions, intervenant � la demande de l'Ordre des pharmaciens, qui interdit sans d�lai la vente de produits du tabac dans les pharmacies. Cette interdiction a �t� adopt�e en vertu d'un article de la loi sur l'Ordre des professions qui pr�voit que "nul ne peut exercer un commerce incompatible avec son m�tier, avec l'�thique inh�rente � son m�tier". De plus, la vente est d�sormais totalement interdite aux mineurs ainsi que dans les milieux scolaires et dans les �tablissements de sant� et de services sociaux.
Quant � l'usage du tabac, plusieurs modalit�s s'appliqueront selon les lieux. L'id�e g�n�rale veut que dans les �difices publics de m�me que dans les h�pitaux et dans les milieux de travail, il ne soit permis de fumer que dans des locaux sp�cialement am�nag�s � cette fin. Un d�lai d'application de la loi est pr�vu. Par contre, il est dor�navant interdit de fumer dans les �coles et dans les milieux scolaires ou de loisirs o� se d�roulent des activit�s destin�es aux jeunes. Cette m�me ordonnance s'appliquera aux transports collectifs. Enfin, les restaurateurs disposent d'un d�lai variable, selon la taille du restaurant, pour apporter les modifications qui permettront d'isoler les fumeurs des autres clients.
La loi pr�voit enfin que le ministre et les villes et municipalit�s peuvent nommer des inspecteurs dont l'arsenal d'arguments dissuasifs � l'�gard des d�linquants pourra aller jusqu'� l'imposition d'amendes dont le montant varie selon que l'infraction affecte la protection des non-fumeurs, concerne la vente au d�tail ou est commise par un fabricant.
Le gouvernement a �galement saisi l'occasion pour mettre de l'ordre dans la perception de la taxe sur le tabac. Dor�navant, la taxe de vente sur ces produits sera pr�lev�e directement � la sortie d'usine plut�t qu'au comptoir de vente au d�tail. Cette modification n'affectera pas le prix des cigarettes pour le consommateur mais touchera certains commer�ants autochtones qui, exempt�s de payer des taxes pour leurs clients autochtones, omettaient, pour ce qui est de la vente de cigarettes � des non-autochtones, soit de percevoir cette taxe, soit de la verser � Revenu Qu�bec.
Conseil des ministres retouch�
Le Premier ministre Lucien Bouchard a proc�d� � un l�ger remaniement minist�riel le 24 septembre. Tous les ministres restent en poste. Quelques-uns voient leurs t�ches all�g�es ou modifi�es et trois nouvelles figures acc�dent au conseil des ministres. Nicole L�ger, d�put�e de Pointe-aux-Trembles, devient ministre d�l�gu�e � la Famille et � l'Enfance, all�geant ainsi la t�che de Pauline Marois. Joseph Facal, d�put� de Fabre, et qui est originaire d'Uruguay, se voit confier le poste de ministre d�l�gu� aux Affaires intergouvernementales canadiennes, t�che que d�tenait pr�c�demment Jacques Brassard.
Fran�ois Legault devient ministre d�l�gu� � l'Industrie, au Commerce, � la Science et � la Technologie, apportant ainsi main forte au vice-premier ministre Bernard Landry. Fran�ois Legault acc�de au conseil des ministres sans �tre d�j� d�put�. Il devra donc se pr�senter devant l'�lectorat � la premi�re occasion, vraisemblablement lors d'une �lection partielle � l'automne. Il a �t� l'un des fondateurs d'Air Transat et y a occup� le poste de pr�sident-directeur g�n�ral de 1986 � 1997. Air Transat est la plus importante compagnie de vols nolis�s au Canada.
D�sormais, Jacques Brassard devient leader parlementaire, Roger Bertrand ministre responsable des Services gouvernementaux, Mathias Rioux ministre responsable des A�n�s, et Jean-Pierre Jolivet ministre des R�gions. � moins d'un an de l'�ch�ance �lectorale, le Premier ministre Lucien Bouchard fait acc�der trois jeunes au conseil des ministres, leur �ge variant de 37 � 43 ans.
.