QUÉBEC Info

HIVER 2001

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CULTURE

***** L'INDUSTRIE DU LIVRE

En Amérique du Nord comme en Europe, l’industrie du livre évolue et les librairies indépendantes se sentent menacées. Les magasins à grande surface, les chaînes de librairies ou les mégalibrairies ne s’intéressent souvent qu’aux succès de librairie qu’ils soldent à des prix que les librairies indépendantes ne peuvent se permettre. Au Québec, où il se publie chaque année près de 4000 nouveaux titres, soit 52 nouveautés par 100 000 habitants (40 en France et 20 aux États-Unis), la situation a lieu d’inquiéter non seulement les librairies indépendantes mais également toute la chaîne du livre : lecteurs, écrivains, éditeurs, distributeurs, libraires et bibliothécaires.

Il ne faut donc pas se surprendre de l’attention qui est accordée à cette question par les pouvoirs publics et par les divers chaînons de cette activité culturelle. Depuis le Forum sur l’industrie du livre tenu en avril 1997, on a eu droit à une Politique du livre et de la culture en mars 1998 suivie d’un Sommet sur la lecture et le livre en avril 1998. En avril 1999, le Groupe de travail sur la consolidation et la rentabilité des librairies remettait son rapport à la ministre de la Culture et des Communications, Agnès Maltais. En octobre 1999, celle-ci créait le Comité sur les pratiques commerciales dans le domaine du livre, comité présidé par Gérald Larose et composé de représentants des associations de libraires, d’éditeurs, de distributeurs et d’écrivains.

Le rapport du Comité Larose, rendu public en novembre dernier, dresse d’abord un état de la situation et constate la fragilité de l’industrie du livre au Québec. Plusieurs de ses 25 recommandations visent à assurer la professionnalisation et la concertation permanente des divers intervenants de cette industrie : création d’une table interprofessionnelle, élaboration de programmes de formation, informatisation des librairies, etc. Plusieurs autres recommandations visent à renforcer ou à préciser un élément ou l’autre de la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre (Loi 51), une loi qui date d’une vingtaine d’années.

La ministre Agnès Maltais "souscrit d’emblée aux recommandations qui visent la professionnalisation de la filière du livre" ainsi qu’à celles qui proposent des " mesures reliées aux ressources technologiques ". Elle se dit "ouverte à un nouvel examen attentif de la loi 51 et de sa réglementation". Et si "la Ministre est particulièrement sensible à la situation que vivent les librairies traditionnelles" et qu’elle est disposée à envisager diverses mesures de soutien à leur égard, elle refuse l’une des recommandations importantes du rapport qui visait l’instauration du "prix unique sur tous les livres vendus au Québec (…) durant leur année de parution". Cette mesure risquerait, selon la Ministre, de faire augmenter le prix du livre et de restreindre l’accès au livre.

Ce que contestent vivement plusieurs intervenants de l’industrie du livre, les recommandations du Rapport Larose ayant toutes été adoptées à l’unanimité. Dès la fin de novembre, l’Association des libraires du Québec adressait une lettre à la ministre Agnès Maltais pour défendre le prix unique recommandé par le rapport Larose. En décembre, une pétition en appui au prix unique recueillait la signature de plusieurs éditeurs, libraires et distributeurs qui considèrent que cette mesure est essentielle à la survie du réseau de librairies indépendantes au Québec.

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***** LE PATRIMOINE QUÉBÉCOIS

À l’été 1999, la ministre de la Culture Agnès Maltais mandatait un groupe-conseil pour faire le point sur le patrimoine québécois et lui proposer une Politique du patrimoine culturel. Présidé par Roland Arpin, ce groupe-conseil était composé de neuf universitaires et spécialistes, entre autres, de l’histoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de la muséologie. En novembre dernier, il remettait son rapport intitulé Notre patrimoine, un présent du passé.

La Loi sur les biens culturels protège déjà, jusqu’à un certain point, quelque 6500 biens culturels, 5000 immeubles et 7000 sites archéologiques, mais de façon bien inadéquate. Et si la définition abstraite du patrimoine ne fait pas problème ("l’ensemble des richesses d’une collectivité"), son application concrète ne cesse d’évoluer. Il y a dix ans, le Conseil international des musées (ICOM) incluait même les sites naturels dans la définition du mot musée. Le groupe-conseil, quant à lui, élargit le concept de patrimoine pour inclure le patrimoine immatériel (les savoirs traditionnels, les métiers, les traditions) de même que les paysages et les sites.

La politique du patrimoine culturel proposée par le groupe-conseil vise à responsabiliser toute la société à l’égard de son patrimoine, et, en premier lieu, les responsables politiques, économiques et institutionnels. On recommande également au gouvernement d’adopter une loi prévoyant des sanctions à l’égard de ceux qui refusent de collaborer à la protection du patrimoine.

Outre la refonte de la Loi sur les biens culturels, le groupe-conseil formule au-delà de trente recommandations. Entre autres, il suggère la création d’une Commission du patrimoine, d’une Fondation du patrimoine, d’une École des métiers du patrimoine et d’un Institut national de formation de niveau universitaire.

Agnès Maltais, ministre de la Culture, a réservé un bon accueil au rapport du groupe-conseil et elle prévoit déposer un projet de loi sur le patrimoine au début de l’année 2001.

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***** LA BOTTINE SOURIANTE

Ce groupe de musique folk, constitué de neuf musiciens versés en musique traditionnelle québécoise, célèbre cette année son 25e anniversaire.

L’année 2000 a été fort occupée pour La Bottine souriante. Après avoir aidé les Écossais à célébrer l’arrivée de l’an 2000, l'ensemble québécois s'est produit en Angleterre où la revue Dirty Linen l'a qualifié de "best band of the world"; la BBC lui a attribué le prix de la meilleure performance folk. L’Europe a suivi, particulièrement la France et l’Espagne, puis les États-Unis et le Canada anglais où il est toujours en demande. Durant l’été, les musiciens ont sillonné le Québec, des Îles-de-la-Madeleine à Mont-Laurier, en passant par Québec et Montréal. Ils étaient en Europe à l’automne et de retour au Québec pour les Fêtes de Noël et du Nouvel an.

La Bottine souriante a sa propre maison de production, Les Disques Mille-Pattes, qui a déjà produit dix albums et en a vendus plus de 100 000 exemplaires. Les ventes devraient exploser à présent qu’une entente a été conclue avec EMI pour la distribution mondiale de ses disques. Les plus récents sont La Mistrine et Rock and Reel.

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***** MARIE LABERGE A LE GOÛT DU BONHEUR

Marie Laberge, romancière et dramaturge, n’a pas fini de nous étonner. À l’orée de ses 50 ans, l’auteure nous dit qu’elle a Le goût du bonheur. C’est le titre d’une importante et vaste fresque en trois tomes dont le premier, Gabrielle, est paru à l’automne 2000 aux éditions Boréal. Les deux autres, Adélaïde et Florent, paraîtront respectivement en avril et en novembre 2001.

La saga consacrée à décrire la vie d’une famille de Québec s’ouvre avec la description de la situation sociale et économique du Québec des années 1930. C’est une époque sombre de l’histoire du Québec et de l’humanité marquée par le krach boursier qui a engendré la pire crise économique du monde moderne. Les fortunes s’écroulent provoquant la faillite des entreprises, le chômage et de nombreux drames familiaux. L’on assiste à la montée du nazisme et du fascisme et au déferlement de l’antisémitisme. Les péripéties que vivent Gabrielle et sa famille nous mènent jusqu’à la guerre mondiale de 1939 et à ses conséquences sur la société québécoise : la conscription et le travail des femmes dans les usines d’armements et dans les rangs de l’armée. L’itinéraire de Gabrielle illustre la longue marche vers l’émancipation de la femme québécoise qui cherche à se libérer des contraintes étouffantes d’une société contrôlée par les hommes, qu’ils soient pères, maris ou gens d’Église.

Nous suivons alors Gabrielle – et les femmes du Québec – dans leur quête du bonheur pour que le cœur trouve sa place dans la société, que l’amour soit présent sous toutes ses formes : passion, amitié, empathie ou solidarité. Nous assistons aux luttes des suffragettes pour obtenir le droit de vote, à l’apparition de la notion de plaisir dans les échanges amoureux et du concept de contrôle des naissances. "Durant les années 1930 et 1940, explique-t-elle, la vision que les femmes avaient d’elles-mêmes a beaucoup évolué. Je trouvais très important de montrer que ces deux décennies avaient servi de creuset à tous les changements apportés par la Révolution tranquille". L’on prend conscience de la rudesse de cette époque. Elle dira, en entrevue au Soleil, que "les gens étaient pris dans une réalité très contraignante, confrontés à la pauvreté, à l’ignorance, à l’intolérance, mais ils n’étaient pas empaillés sur leurs chaises. Ils avaient des désirs, des passions, des rêves".

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***** LE CINÉMA QUÉBÉCOIS

Cuvée 2000

L’an 2000 a été une bonne année pour le cinéma québécois. Parmi les nombreux films produits, plusieurs ont retenu l’attention : La Beauté de Pandore de Claude Binamé, Les Fantômes des trois Madeleine de Guylaine Dionne, Hochelaga de Michel Jetté, L’invention amoureuse de Claude Demers, Maelström de Denis Villeneuve, La moitié gauche du frigo de Philippe Falardeau, Les Muses orphelines de Robert Favreau (d’après la pièce de théâtre de Michel-Marc Bouchard), Possible Worlds de Robert Lepage et Stardom de Denys Arcand.

Pour jeunes et moins jeunes

Le producteur Rock Demers, connu mondialement pour ses Contes pour tous, avait annoncé que cette série de 17 films pour jeunes était arrivée à sa fin. Inaugurés en 1984 avec La Guerre des tuques, ses films (Bach et Bottines, Les aventuriers du timbre perdu, La Grenouille et la baleine, etc.) ont enchanté des millions de spectateurs dans le monde entier. Mais il s’est ravisé et annonce une nouvelle série de dix films dont l'un, déjà en production, sortira sur les écrans en juin 2001 (La Forteresse suspendue, du réalisateur Roger Cantin) et un autre, Mon petit diable, un film tourné en hindi, a été présenté en première mondiale au festival Cinoche de Baie-Comeau, à la mi-janvier 2001.

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***** QUELQUES NOUVEAUTÉS EN LIBRAIRIE
(de septembre à décembre 2000)

Littérature

Gilles Courtemanche, Un dimanche à la piscine de Kigali, Boréal
Dominique Demers et Stéphane Poulin, Vieux Thomas et la petite fée, Dominique et compagnie
Sergio Kokis, Saltimbanques, XYZ
Marie Laberge, Gabrielle, Boréal
Henriette Major, Chansons drôles, chansons folles (livre et disque), Fides

Essais, études

Andrée Boucher, J’ai choisi la vie, Libre Expression
Collectif, Québec 2001, Annuaire politique, social, économique et culturel, Fides
Collectif, Être jeune en l’an 2000, Les Éditions de l’IQRC
Collectif, La Révolution tranquille, VLB
Collectif, Le français au Québec : 400 ans d’histoire et de vie, Fides et Les Publications du Québec
Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec (1760-1896), Fides