QUÉBEC Info
HIVER 2001
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***** FUSIONS MUNICIPALES : CRÉATION DE CINQ NOUVELLES GRANDES VILLES
Une réorganisation majeure du monde municipal est en cours au Québec. La Loi portant sur la réforme de l’organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l’Outaouais (dite Loi 170) a été adoptée par l’Assemblée nationale le 20 décembre dernier. Elle crée cinq nouvelles grandes villes par la fusion de 63 municipalités.
Les nouvelles villes
Dès janvier 2001, sur le territoire de chaque nouvelle ville, un comité de transition supervisera, durant la dernière année de leur existence, la gestion des villes fusionnées. Il verra aussi à préparer les élections des édiles de la nouvelle ville qui auront lieu le 4 novembre 2001, à élaborer le budget de la première année d'administration qui débutera le 1er janvier 2002 et à harmoniser les ententes syndicales. Ces comités de transition seront composés de sept membres nommés par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, Louise Harel.
À Montréal, "une île, une ville" En effet, les 27 municipalités que comptait l’île de Montréal ne feront plus qu’une grande ville : Montréal, métropole du Québec. Elle sera aménagée en 26 arrondissements et comptera 1,8 million d’habitants. Les huit municipalités de la rive sud du fleuve Saint-Laurent, face à Montréal, seront regroupées en une ville, Longueuil, qui sera aménagée en 8 arrondissements et comptera 380 000 habitants.
À Québec, "deux rives, deux villes" La ville de Québec, capitale nationale du Québec, regroupera les 13 municipalités qui composent présentement cette région urbaine. Elle sera aménagée en 8 arrondissements et comptera 505 000 habitants. Sur l’autre rive du fleuve Saint-Laurent, face à Québec, la ville de Lévis fusionnera 10 municipalités réparties en 3 arrondissements. Elle comptera 118 000 habitants.
Enfin, la région de l’Outaouais, face à la ville d’Ottawa, verra un regroupement de 5 municipalités donner naissance à Hull-Gatineau qui comptera 5 arrondissements et 220 000 habitants.
La Loi 170 réserve le pouvoir de taxation aux seules nouvelles villes. Les arrondissements seront dirigés par des conseillers municipaux élus et ceux-ci ne pourront lever de nouvelles taxes qu’avec l’autorisation expresse de la ville et seulement pour financer des services spécifiques. Les arrondissements qui étaient officiellement reconnus comme bilingues avant la fusion le resteront.
Une loi historique et contestée
Cette loi, qui compte plus de 1000 articles, est historique en ce sens que la réorganisation municipale était attendue depuis longtemps. On s’étonne aujourd’hui que la Révolution tranquille des années 1960 ne se soit pas préoccupée de cette question. Comme l’écrit Pierre Delorme, politicologue de l’Université du Québec à Montréal, dans Le Devoir du 7 décembre 2000 : "Depuis la Révolution tranquille, l’État du Québec tente, par plusieurs moyens que je qualifierais de doux, de moderniser la gestion municipale des quelque 1300 municipalités que comprend encore aujourd’hui le territoire québécois". Cela fait au moins 30 ans que le gouvernement du Québec envisage de le faire mais n’ose pas passer à l’action. Car une telle fusion de villes soulève de l'opposition. Dans les cas de Montréal et de Québec, l’opposition a été virulente. Les maires parlaient de défendre l'identité de leurs villes tandis que les citoyens craignaient de voir augmenter leur compte de taxe. La loi préparée avec un courage peu commun par la ministre Louise Harel prévoit que les arrondissements permettront aux citoyens de préserver cette vie de quartier et de gérer les services de proximité. Selon le gouvernement, les taxes municipales de la grande majorité des citoyens baisseront. Mais comme l’un des objectifs de la loi est d’éliminer l’inéquité fiscale existante, il est inévitable que les taxes augmenteront pour certains citoyens. La loi prévoit toutefois que, en aucun cas, elles ne pourront être haussées de plus de 5 % par année au cours des dix prochaines années, période jugée suffisante pour l’atteinte de l’équité fiscale.
Par cette loi, outre l’équité fiscale, l’État veut fournir aux agglomérations urbaines les moyens de jouer un rôle plus efficace dans l’économie moderne, de doter l'ensemble des résidants de services plus performants et plus économiques, d’assurer une meilleure gestion des équipements culturels, sportifs et environnementaux régionaux, et de coordonner le développement urbain.
La loi 170 rend aussi nécessaire le réaménagement des corps policiers des villes concernées. Au Québec, les forces policières sont de deux ordres : la Sûreté du Québec (SQ) qui a mandat sur tout le territoire, et les corps policiers municipaux dont plusieurs villes se sont dotées. À Montréal, la sûreté municipale relevait de la Communauté urbaine de Montréal et couvrait toute l’île. Elle relèvera désormais de la nouvelle ville de Montréal, sans autre modification. Mais les quatre autres nouvelles grandes villes héritent de plusieurs corps de police qu'elles devront fusionner. Dans la grande région de Québec, par exemple, le nombre des corps de police passera de huit à deux, un à Québec et l'autre à Lévis. Le ministre de la Sécurité publique, Serge Ménard, a rendu public, en décembre dernier, un document qui trace les grandes lignes de la réorganisation policière à laquelle il entend procéder. En plus de la SQ, le Québec compte 124 corps de police et, au 1er janvier 2002, il devrait n’en rester tout au plus qu'une quarantaine. De nouvelles normes minimales de sécurité seront établies et les villes de 5000 habitants ou plus devront disposer d’un corps policier qui rencontre ces normes ou demander à la Sûreté du Québec de les desservir. Selon le ministre Ménard, "l’organisation policière doit être repensée pour rencontrer sa véritable mission, à savoir prévenir et réprimer le crime". Il prévoit de plus que cette réforme entraînera des économies de 20 millions $ par année. Une commission parlementaire fera l’étude du projet du ministre Ménard en février et mars, et le projet de loi qui suivra pourrait être adopté en juin afin que la réforme se réalise dès le premier janvier 2002, en même temps que naîtront les cinq nouvelles grandes villes.
Pour compléter le travail
Mais le travail est loin d’être terminé. En Estrie, par exemple, la région de Sherbrooke s’active à mettre au point son propre plan de fusion municipale, de même qu’en Mauricie, la région de Trois-Rivières. Et d’autres villes comme Chicoutimi et Rimouski sont interpellées par cette réforme.
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***** LE PREMIER MINISTRE LUCIEN BOUCHARD DÉMISSIONNE ET QUITTE LA POLITIQUE
Au tout début de l’année, le 11 janvier 2001, Lucien Bouchard, à la surprise générale, démissionnait de son poste de président du Parti québécois (PQ) et de celui de Premier ministre du Québec. Sa démission comme chef du PQ prend effet immédiatement, mais il occupera toutefois le poste de Premier ministre encore quelques mois, donnant le temps à son Parti de lui trouver un successeur.
Après avoir rencontré ses ministres, puis l’ensemble des députés du Parti québécois, il s’est adressé à la nation, depuis le Salon rouge de l’Assemblée nationale et par le truchement de la télévision, pour faire part au peuple québécois de l’analyse qui l’a conduit à prendre cette décision. Une analyse qu’il a poursuivie avec courage et rigueur à l’occasion de la période des Fêtes. Constatant que le combat de la souveraineté qu’il mène depuis 1990 ne semble pas vouloir se concrétiser à terme, il invite le Parti québécois à se choisir un nouveau chef "qui saura mieux que moi raffermir le militantisme, intensifier le sens identitaire du peuple québécois et faire avancer la cause de la souveraineté, le seul projet qui puisse offrir une voie d’avenir aux Québécois".
Le Premier ministre n’a pas insisté sur le bilan de ses cinq années au pouvoir, cinq années remplies d’importantes réalisations. "Il suffira de rappeler, a-t-il dit, que mon gouvernement a réorienté l’avenir du Québec en matière de finances publiques, d’économie, de fiscalité, de santé, d’éducation, de progrès social et d’organisation municipale". Tous reconnaissent qu’il a fait montre de courage et de détermination en réalisant des réformes essentielles et difficiles (élimination des déficits budgétaires, transformation du système de santé, réforme municipale) et en transformant l’économie du Québec (percées dans les hautes technologies et dans l’économie du savoir, baisse du chômage, amélioration du filet social). Malgré la brièveté de son règne, Lucien Bouchard aura été l'un des premiers ministres qui aura le plus marqué l’histoire du Québec.
Il croyait aussi qu’en "mettant la maison en ordre", il donnerait "plus de crédibilité à la construction d’un Québec souverain". C’est là où ses espoirs ont été déçus. Après l’échec du référendum de 1995, alors que tous les espoirs étaient permis, l’option souverainiste ayant atteint une popularité jusque là inégalée (49,4 %), ce fut plutôt l’essoufflement. Aux élections de novembre 1998, Lucien Bouchard et le Parti québécois sont reportés au pouvoir, obtenant une majorité de sièges à l’Assemblée nationale; pour ce qui est du vote populaire, c'est Jean Charest et le Parti libéral du Québec, fédéraliste, qui arrivent en tête. Aux élections fédérales de novembre dernier, le Bloc québécois, parti souverainiste fondé par Lucien Bouchard en 1990, perd des sièges au profit du Parti libéral du Canada. "De même, constate Lucien Bouchard, les Québécois sont-ils restés étonnamment impassibles devant les offensives fédérales comme l’union sociale, le programme de bourses du millénaire, la création des chaires universitaires de recherche, l’adoption de la loi C-20 (sur la clarté référendaire) laquelle vise à rien de moins que de restreindre notre capacité de choisir notre avenir politique". "Je tire donc pour moi les conclusions qui s’imposent" enchaîne-t-il.
Lucien Bouchard souhaite que son départ soit "l’occasion d’un débat de fond comme plusieurs le souhaitent et même le moyen d’un renouvellement pour le parti" car la souveraineté est "le seul projet qui puisse offrir une voie d’avenir aux Québécois".
Le départ de Lucien Bouchard ouvre en effet une période de remise en question pour le Parti québécois qui doit, au cours des prochains mois, se trouver un nouveau président et revoir en profondeur son programme. Ce qui ne se fera pas sans heurts. Tous les scénarios sont possibles, aucun n’est certain. Comme à la suite du départ de René Lévesque en 1985, plusieurs leaders et commentateurs fédéralistes, surtout au Canada anglais, y voient l’échec définitif du mouvement souverainiste au Québec. Mais il est beaucoup trop tôt pour conclure de la sorte. L’appui à la souveraineté se maintient à 40 % depuis 25 ans, ce qui, pour un mouvement politique, constitue une base importante.
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***** LES DROITS POLITIQUES DU PEUPLE DU QUÉBEC
Le 7 décembre 2000, l’Assemblée nationale adoptait la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec. Comme le disait le Premier ministre Lucien Bouchard lors de son adoption, le Québec se dote ainsi d’une "charte des droits politiques du peuple du Québec".
En effet, cette loi affirme l’existence du peuple du Québec, un peuple majoritairement de langue française, et son droit de choisir librement son avenir politique. Elle réaffirme la souveraineté de l’État du Québec et de son Assemblée nationale dans tous ses domaines de compétence, à la fois à l’interne et sur la scène internationale.
Le plus étonnant, c’est que cette loi n’a pas été adoptée à l’unanimité. Le Parti libéral du Québec, tout en se disant pleinement d’accord avec son contenu, s’est opposé à son adoption. Son chef, Jean Charest, aurait préféré affirmer ces droits dans une Déclaration solennelle de l’Assemblée nationale plutôt que par une loi. La loi a donc été adoptée sur division, malgré l’unanimité qui s’était faite sur son contenu.
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***** LES ÉLECTIONS FÉDÉRALES DE NOVEMBRE 2000
Les élections fédérales ont eu lieu au Québec comme à la grandeur du Canada, le 27 novembre dernier. Des élections hâtives puisque le mandat du Parti libéral du Canada ne venait à échéance qu’un an et demi plus tard. Mais le Premier ministre Jean Chrétien, comme c’est son privilège dans la tradition parlementaire britannique qui est la nôtre, a décidé de dissoudre la Chambre des Communes et de solliciter un nouveau mandat de cinq ans.
Les résultats, peut-on dire, lui ont donné raison puisqu’il a été reporté au pouvoir avec une majorité accrue de sièges au Parlement. Le Parti libéral du Canada qui y détenait 155 des 301 sièges en détient maintenant 173, et bénéficie d’une confortable majorité. Les 128 sièges qui restent se répartissent ainsi : Alliance canadienne (66 sièges), Bloc québécois (37), Nouveau parti démocratique (13) et Parti conservateur (12).
Les observateurs ont attribué la victoire libérale à la bonne performance économique du Canada, à la division de la droite (Alliance canadienne et Parti conservateur) et au morcellement politique du Canada selon les régions. Le Parti libéral du Canada domine en Ontario (100 des 103 sièges), l’Alliance canadienne mène dans l’Ouest (62 des 86 sièges) et le Québec est divisé moitié-moitié entre le Parti libéral du Canada et le Bloc québécois, leur accordant 37 sièges chacun. Les 32 sièges des provinces maritimes ont été partagés entre le Parti libéral du Canada, le Parti conservateur et le Nouveau parti démocratique.
Au Québec, le vote s’est donc polarisé plus qu’autrefois entre le Parti libéral du Canada et le Bloc québécois, ce dernier favorisant la souveraineté du Québec et ne présentant des candidats qu’au Québec. Mais la surprise n’est pas là. Elle vient de la faible participation de l’électorat. Traditionnellement, le taux de participation est plus élevé au Québec qu’ailleurs au Canada. Cette fois, le taux de participation de l’électorat canadien a été faible et celui du Québec plus faible encore, se situant à 63 %. C'est la première fois depuis les élections fédérales de 1896 que le taux de participation des Québécois est aussi bas. Aux élections fédérales précédentes de 1997, le taux de participation au Québec avait été de 73 %.
Les analystes politiques s’interrogeront encore longtemps sur la signification de ces changements, mais le pouvoir politique à Ottawa, lui, n’a pas changé.
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***** COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE DU QUÉBEC : UN BILAN EXCEPTIONNEL
La Commission de la capitale nationale du Québec a pris son envol en septembre 1995. Les résultats, après seulement cinq ans, sautent aux yeux des résidants et des touristes qui y déambulent.
Des quelque 20 sites que la Commission a aménagés, la plupart du temps en collaboration avec des partenaires, celui de l’Assemblée nationale est sans doute le plus important et peut-être le plus remarquable. La place de l’Assemblée-Nationale, la Grande-Allée qui la borde au sud, la promenade des Premiers-Ministres au nord sont toutes des réalisations de la Commission qui, de même que la nouvelle illumination du bel édifice de l’Assemblée nationale, mettent pleinement en valeur ce haut lieu de la démocratie. L’Observatoire de la capitale, au 31e étage de l’édifice Marie-Guyard, constitue une autre réalisation très fréquentée, étant notamment le point de départ de circuits touristiques. L’on y jouit d’une vue saisissante de Québec et de son environnement et on y bénéficie également d’une première interprétation de son histoire et de son site.
Les réalisations de la Commission de la capitale vont bien au-delà de l’aménagement urbain. Elle participe à tout ce qui touche la vie d’une capitale : anniversaires, conférences, festivals, publications, interprétation des institutions démocratiques ou historiques, etc. On ne peut que rêver aux progrès qu’elle fera faire à la ville de Québec au cours des cinq prochaines années, d’autant plus que la loi créant la nouvelle grande ville de Québec lui ouvre de larges perspectives. Un défi qu’elle aura à relever, et auquel elle s’attaque déjà, c’est celui d’aménager l’accès des citoyens au fleuve Saint-Laurent qui borde la ville.
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***** IN MEMORIAM PIERRE ELIOTT TRUDEAU
Pierre Trudeau est décédé à Montréal le 28 septembre 2000, à l’âge de 80 ans. À l’exception de l’année 1979, il a été Premier ministre du Canada de 1968 à 1984. Il a profondément marqué le Canada qui lui doit sa nouvelle Constitution et sa Charte des droits et libertés (1982), mais aussi une importante législation relative au divorce, à l’homosexualité et à l’avortement, ainsi qu’une ambitieuse politique sur le bilinguisme et le multiculturalisme. Ses politiques économiques, celle sur l’énergie ainsi que celle sur les investissements étrangers, furent toutefois des échecs.
Les politiques constitutionnelles de Pierre Elliott Trudeau ont profondément modifié l'image que le Canada avait de lui-même. Elles ont effectivement servi les aspirations du Canada anglais. Cependant, le Québec ne se reconnaît pas dans la nouvelle constitution et il n'y a jamais souscrit, refusant de la signer depuis 1982. La place du Québec dans le nouveau Canada reste toujours à négocier afin de sortir de l'impasse constitutionnelle héritée de l'ancien Premier ministre.
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***** PROTECTEUR DU CITOYEN
En décembre dernier, l’Assemblée nationale a nommé Pauline Champoux-Lesage au poste de Protecteur du citoyen. Elle était auparavant sous-ministre de l’Éducation. Elle est entrée en fonction le 3 janvier 2001 et succède à Daniel Jacoby qui occupait cette fonction depuis 1987.
Le Protecteur du citoyen est l’une des trois institutions de l’État du Québec qui relèvent non pas du Gouvernement mais bien de l’Assemblée nationale. Les deux autres sont le Vérificateur général et le Directeur général des élections.