QUÉBEC Info
HIVER 2000
POLITIQUE
***** ENTENTE ENTRE L'ÉTAT QUÉBÉCOIS ET SES 400 000 EMPLOYÉS
Toute la presse québécoise a applaudi au dénouement heureux des négociations dans le secteur public. Depuis le mois de juin (QUÉBEC Info, vol. 5, no 3), les services publics étaient perturbés par les grèves des ambulanciers et des infirmières, par les débrayages d'un jour en milieu scolaire et, surtout, par une menace de grève généralisée. Tous les syndicats réunis en front commun avaient avisé le gouvernement qu'ils déclencheraient une grève légale et illimitée s'ils n'obtenaient pas une hausse importante des salaires, une augmentation du nombre de postes permanents et, en certains cas, des réajustements au titre de l'équité salariale.
Toutes ces demandes représentaient une importante ponction sur les finances du Québec. Même si l'État a complètement éliminé son déficit budgétaire, qu'il a équilibré ses dépenses avec ses revenus, il ne pouvait pas pour autant accepter toutes les demandes syndicales. Aussi, le Premier ministre a-t-il réaffirmé qu'il ne saurait être question de dépasser une augmentation générale de 5 % sur 3 années de convention collective.
En dépit du durcissement des positions réciproques, les négociateurs syndicaux et patronaux ont continué de discuter aux tables sectorielles, celle de l'éducation, celle de la santé et celle de la fonction publique. Le 8 décembre, coup de théâtre à la table centrale : le gouvernement annonce qu'il porte de 5 % à 6 % son offre salariale. C'est le déblocage attendu et désormais tous les espoirs sont permis. L'on entreprend alors une ronde de négociations intensives au plus haut niveau. Le 18 décembre, les présidents des centrales syndicales se réunissent au bureau du Premier ministre pour le sprint final, car le gouvernement tient résolument à régler pour Noël. En soirée, les dirigeants syndicaux et le ministre responsable du Conseil du Trésor, Jacques Léonard, annoncent à la presse un accord de principe. La convention collective portera sur quatre années au lieu de trois et l'augmentation consentie pour la période est portée à 9 %. Les syndicats ont fait des gains tandis que le gouvernmement a bonifié son offre par l'ajout d'une quatrième année.
Plusieurs questions restent encore à discuter avec les syndicats des différents secteurs (éducation, santé, fonction publique), mais le climat est à la coopération. Nul doute que tous les négociateurs trouveront maintenant des terrains d'entente.
Ce qu'il faut surtout retenir de cet accord, c'est que, pour la première fois depuis plus de 10 ans, l'État et ses 400 000 employés syndiqués ont signé une convention collective négociée. Toutes les dernières conventions avaient été imposées par décret gouvernemental et par l'adoption de lois spéciales. C'est un heureux dénouement pour le gouvernement, pour les syndicats et pour toute la société.
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***** UNE POLITIQUE AUTOCHTONE QUI PORTE FRUITS
La nouvelle politique autochtone du gouvernement du Québec, lancée il y aura bientôt deux ans, vise à favoriser l'autonomie des communautés autochtones en signant avec elles diverses ententes sectorielles. Pour ce faire, un fonds de 125 millions $ a été créé et, comme le souhaitent les chefs de ces communautés, des relations directes entre eux et le ministère des Affaires autochtones ont été favorisées. Les négociations traditionnelles avec les représentants de plusieurs communautés autochtones les obligeaient souvent à des arbitrages entre communautés d'une même nation, traînaient en longueur et ne donnaient pas de résultats satisfaisants. Cette nouvelle approche a déjà permis la signature de plusieurs ententes.
Les Mohawks et la fiscalité
Au début d'avril 1999, une importante entente est intervenue entre le Québec et les Mohawks de Kahnawake, près de Montréal, au chapitre de la fiscalité. En vertu d'anciens traités, les Indiens sont exemptés de payer les taxes, surtout les taxes à la consommation. Pour cette raison, les commerces qui transigeaient sur les réserves amérindiennes refusaient de percevoir les taxes pour les biens vendus à des non-autochtones. Cette pratique causait un préjudice grave aux commerçants hors réserve et privait le gouvernement de revenus qui lui étaient dus.
Le nouveau protocole prévoit donc que les commerçants amérindiens percevront désormais les taxes sur les biens de consommation vendus sur la réserve de Kahnawake à des non-autochtones. Selon le ministre responsable des Affaires autochtones, Guy Chevrette, cette entente permettra aussi de contrôler l'évasion fiscale et de contrer la contre-bande sur le tabac et l'alcool.
Hydro-Québec et les Innus-Montagnais
En juin dernier, Hydro-Québec a signé une entente de partenariat avec la bande de Betsiamites, créant une société pour le développement hydroélectrique de cette région. Betsiamites regroupe 3200 Innus-Montagnais et se situe sur la Côte-Nord, entre Tadoussac et Baie-Comeau.
La Société d'État y projette la dérivation des rivières Portneuf, Sault-aux-Cochons et Manouane ainsi que la construction d'une centrale hydroélectrique sur la rivière Toulnustouc.
Pour les Innus-Montagnais, ce projet est d'une telle importance que la réserve y a investi 14,5 millions $, acquérant 17,5 % des actions de la société ainsi créée. Cette participation rapportera 2 millions $ par année à la bande de Betsiamites au cours des 50 prochaines années. Ils espèrent aussi améliorer la situation économique de la réserve en abaissant le taux de chômage puisque l'accord prévoit que 12,5 % des emplois requis pour les travaux seront réservés aux autochtones.
Le chef René Simon a qualifié cette entente de partenariat de "moment historique". Selon lui, le développement social et économique engendré par cet important projet contribuera à diminuer la consommation de drogues et d'alcool, et permettra à la réserve de se doter d'infrastructures essentielles au bien-être du milieu. L'accord prévoit qu'Hydro-Québec créera, à cette fin, un fonds communautaire de 10,4 millions $ ainsi qu'un fonds de 1,8 million $ consacré aux activités traditionnelles.
Les Montagnais-Essipit
La plus récente de ces ententes a été signée en décembre 1999 avec les Montagnais Assipit de la Côte-Nord. Il s'agit d'une entente de développement économique dont l'investissement s'élève à 1,3 millions $. Bien que modeste, cet investissement servira à consolider le parc touristique de la communauté qui gère déjà cinq pourvoiries très fréquentées par les amateurs de pêche et de vie en plein air. Pour le chef de bande, Denis Ross, cette initiative va permettre de concrétiser la construction de chalets et d'autres projets économico-touristiques. "J'espère, a-t-il déclaré à la signature de l'accord, que cette entente va permettre à notre communauté d'aller vers une plus grande autonomie locale."
Autres ententes à venir
Outre les ententes déjà conclues et dont on vient de faire état, plusieurs autres sont en négociation. Avec les Montagnais de Natashquan sur la Basse Côte-Nord, comme avec les Micmacs de Gespeg en Gaspésie, on en est à l'étape d'une entente cadre qui permettra ensuite des ententes concrètes dans bien des domaines.
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***** BILAN DE LA SESSION PARLEMENTAIRE DE L'AUTOMNE
Dans son discours de clôture, le Premier ministre Lucien Bouchard a reconnu que le bilan de la session parlementaire de l'automne 1999 était modeste. Pas de réforme majeure, ni de grands brassages d'idées auxquels d'autres sessions avaient donné lieu. Néanmoins, plus de 50 nouvelles lois ont été adoptées qui, pour la plupart, apportent des améliorations importantes à des lois existantes. Plusieurs couches de la population en bénéficieront. Voici quelques faits importants de cette session.
Les normes du travail et la disparité des traitements
Communément appelée loi sur les clauses orphelin, ou clauses discriminatoires, cette Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement veut contrer une tendance observée dans certains milieux de travail, tant du secteur privé que du secteur public, qui instaure des paliers différents de traitement fondés uniquement sur la date d'embauche : une échelle pour ceux qui sont à l'emploi d'une société avant la signature d'une nouvelle convention collective, une autre échelle, moins avantageuse, pour ceux qui sont embauchés après.
Sans être discriminatoire au sens de la Charte québécoise des droits et libertés, cette pratique, vertement dénoncée par les regroupements de jeunes et plusieurs groupes de pression, a été jugée socialement inacceptable par le gouvernement. D'où cette loi qui constitue une première mondiale. Elle interdit que des conditions de travail moins avantageuses soient appliquées à des salariés sur le seul critère qu'ils aient été embauchés à une date différente.
Les conventions collectives qui entreront en vigueur à partir de mars 2000 devront avoir été conclues en tenant compte des dispositions de la loi. Les personnes qui se prétendent lésées par une clause discriminatoire de cette nature pourront déposer une plainte à la Commission des droits de la personne ou, à leur choix, auprès du Tribunal du travail.
Le travail des enfants
La Loi balisant le travail des enfants vient compléter la Loi sur les normes du travail. Les nouvelles dispositions interdisent à un employeur de demander à un enfant d'effectuer un travail disproportionné à ses capacités ou susceptible de porter atteinte à son éducation, à sa santé ou à son développement physique ou moral. La loi interdit à un employeur de faire effectuer un travail par un enfant de moins de 14 ans, sans le consentement écrit du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur. Elle interdit également l'emploi d'un enfant durant les heures de classe et oblige un employeur à aménager ses heures de travail pour que ce dernier puisse être à l'école, durant les heures de classe, et à la résidence familiale la nuit.
Consultation sur la gestion des finances publiques
À juste titre, le gouvernement peut être fier d'avoir maintenu le cap en matière de dépenses publiques. Pour la première fois en 40 ans, il n'aura pas recours à des emprunts pour financer ses dépenses courantes.
Les recettes gouvernementales devraient même générer des surplus à compter de l'an 2000. Que faire de ces surplus ? Le gouvernement s'est commis quant à certaines orientations, mais, afin de s'assurer de leur judicieuse utilisation, il a tenu plusieurs consultations qui ont porté, entre autres, sur la fiscalité et sur la baisse des impôts. Les Québécois s'attendent donc à l'annonce d'importantes baisses d'impôt dans le prochain budget.
Ce n'est là qu'un aspect de la question. Les coûts des services publics augmentent sans cesse. La gestion des affaires publiques exige que soit amorcée une sérieuse réflexion sur la qualité des services en regard des ressources budgétaires. Les attentes de la population sont très élevées à l'égard du système de santé, des services sociaux et du réseau de l'éducation, mais les ressources ne sont pas illimitées. Le Premier ministre s'est engagé à amorcer la nouvelle année avec ce grand débat de société.
La charte des droits politiques collectifs
Une des pièces maîtresses que le gouvernement a déposées au cours de la dernière session est le projet de Loi 99 portant sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois : la réaffirmation des principes politiques et juridiques qui constituent les assises mêmes de la société et de la démocratie québécoise. En réplique à un projet de loi fédéral d'encadrer un prochain référendum au Québec, le gouvernement veut, par son propre projet, affirmer le droit des Québécois à disposer d'eux-mêmes, consacrer l'égalité des votes et la règle démocratique du "50 % plus un" reconnue par les Nations-Unies de même que réaffirmer l'intégrité territoriale du Québec.