QUÉBEC InfoHIVER 1999
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Bombardier : un automne fructueux
Laurent Beaudoin
Président et chef de la direction de Bombardier depuis 1966, Laurent Beaudoin annonçait, au début de décembre, qu'il quittait ces fonctions pour ne retenir que celles de président du conseil et de président du comité exécutif. Sous sa gouverne, de fabricant de véhicules motorisés sur neige, la compagnie Bombardier est devenue cette multinationale dont le siège social est maintenant à Montréal. En 1974, elle entreprend la fabrication de matériel de transport sur rail puis, en 1986, elle élargit sa capacité de production pour englober le secteur de l'aéronautique. Aujourd'hui, dans ses usines réparties dans onze pays, Bombardier emploie plus de 40 000 personnes et son chiffre d'affaires annuel dépasse les 10 milliards $.
Des contrats record
Au début d'octobre, la compagnie américaine d'aviation CONAIR a commandé à Bombardier 30 appareils Regional Jets de 50 sièges et 20 autres de 70 sièges. Ce contrat, évalué à 1,5 milliard $, est le plus important de l'histoire de Bombardier Aéronautique. De plus, CONAIR a pris une option pour l'achat d'une centaine d'avions additionnels.
Le 9 décembre, la compagnie britannique Virgin Rail et Bombardier annonçaient la signature d'un contrat de 2,6 milliards $. Il s'agit du plus gros contrat de l'histoire de Bombardier Transport. Il inclut la conception et la fabrication de 78 rames automotrices (352 voitures diesel-électriques) ainsi que l'entretien jusqu'en 2012 de la flotte de véhicules de Virgin Rail.
Un Jet conçu et construit en français
Pour la première fois de son histoire, Bombardier construit un avion, le CRJ-700, entièrement en français. Tous les manuels, cahiers de montage et autres fiches ont été conçus et rédigés en français : un ensemble de dizaines de milliers de pages. L'Office de la langue française du Québec et la Fédération des travailleurs du Québec ont étroitement collaboré avec Bombardier pour assurer cette réalisation.
En Chine
Une entreprise de fabrication de véhicules-passagers sur rail sera créée par Bombardier, en partenariat avec Power Corporation de Montréal et l'entreprise chinoise Sifang. L'usine, localisée dans la province de Shandong, mettra à profit la technologie de Bombardier. L'investissement de 110 millions $ sera réparti comme suit : Sifang 50%, Power Corporation 25 % et Bombardier 25 %. Les Chemins de Fer de Chine lui commandent 300 véhicules de luxe de transport interurbain et prennent une option pour 200 autres.
Résultats du 3e trimestre
Au troisième trimestre de son exercice 1998 (août-octobre), Bombardier affiche des revenus consolidés de 2,6 milliards $, en hausse d'un demi milliard sur le même trimestre de 1997. C'est le secteur aéronautique qui a le plus contribué à cette hausse, et, en deuxième place, le secteur du transport. Le secteur des véhicules récréatifs accuse une baisse.
Provigo passe aux mains de Loblaw
Provigo est l'une des principales chaînes d'épiceries au Québec, accupant au-delà de 30 % du marché alimentaire. La Caisse de dépôt et placement du Québec (la Caisse) est son principal actionnaire, détenant 35 % des quelque 100 millions des actions ordinaires. Quant à Loblaw, chaîne d'épiceries basée en Ontario, elle est l'une des principales chaînes du marché alimentaire au Canada.
Le 30 octobre, lorsque Loblaw fit une offre d'achat de Provigo, cela eut l'effet d'une bombe. Provigo est un symbole du modèle économique québécois et un acteur important dans le marché de l'agro-alimentaire. Il faut savoir que la Caisse a entre autres pour mandat de faire ses placements dans le meilleur intérêt de l'économie du Québec et pas seulement en fonction du meilleur rendement immédiat. Sa part des actions de Provigo ne lui donne pas le contrôle de la compagnie mais lui permet de bloquer éventuellement la transaction, Loblaw exigeant au moins 90 % des actions en circulation. Qu'allait-elle faire ?
L'offre de Loblaw était alléchante. L'action de Provigo valait huit dollars et Loblaw en offrait quinze. Toutefois, les consommateurs du Québec et les fournisseurs agricoles risquaient-ils d'être à la merci d'une compagnie non-québécoise ? Un refus affaiblirait-il irrémédiablement l'industrie alimentaire québécoise ou compromettrait-il sa propre expansion à l'extérieur du Québec ? Les syndicats des employés de Provigo voyaient d'un bon oeil cette transaction qui, plus que toute autre semblait garantir leurs emplois.
Le Conseil d'administration de Provigo a demandé que l'offre soit évaluée par une firme indépendante. Le 16 novembre, le Conseil d'administration recevait un avis favorable et recommandait aux actionnaires d'acccepter l'offre de Loblaw. Enfin, le 30 novembre, après avoir exploré toutes les autres options et négocié avec Loblaw pour améliorer certaines dispositions de la transaction, la Caisse acceptait l'offre.
Loblaw s'est engagé à maintenir au Québec et à la même hauteur, pendant sept ans, les achats de biens et services que Provigo faisait au Québec. Elle bonifiait son offre à 16,52 $ en espèce par action ou à 17.50 $ si la moitié de sa valeur était payée en actions de Loblaw. La transaction a atteint ainsi une valeur totale de 1,78 milliard $. Loblaw maintiendra un siège social au Québec et conservera le nom de Provigo.
À la suite de cette transaction, Loblaw doit se départir de ses supermarchés Loeb en Ontario et Provigo doit vendre ses dépanneurs (petites épiceries de quartier) au Québec. Loblaw a accepté que dans les deux cas, l'acquisition de ces magasins par la chaîne québécoise d'alimentation Métro-Richelieu soit favorisée.
Somme toute, il s'agit d'une consolidation qui tient compte de nombreux intérêts, de l'évolution et de l'ouverture des marchés et qui s'est déroulée de façon plutôt civilisée.
Quebecor acquiert Sun Media
Le groupe Quebecor de Montréal, qui oeuvre dans les produits forestiers, dans l'imprimerie et dans les communications, s'est porté acquéreur de Sun Media de Toronto, deuxième chaîne de journaux au Canada. La transaction dépasse le milliard de dollars.
Une autre société de Toronto, Torstar, éditeur entre autres du Toronto Star, essayait depuis la fin d'octobre de mettre la main sur Sun Media. Dans une offre publique d'achat, Torstar proposait 748 millions $. Une offre jugée hostile par Sun Media.
Or, peu avant que ne survienne cette offre de Torstar, Quebecor avait approché Sun Media car il était de notoriété publique que cette compagnie portait difficilement sa dette de 345 millions $. Le conseil d'administration de Sun Media a donc rejeté l'offre de Torstar et entrepris des négociations discrètes avec Quebecor.
Le 7 décembre, Torstar haussait sa mise à 900 millions $, mais rien n'y fit. Le 9 décembre, à la surprise générale, Quebecor et Sun Media annonçaient s'être entendus. L'offre de Quebecor pour la totalité des actions dépassait le 1,3 milliard $, en tenant compte de la prise en charge de la dette de Sun Media. Quebecor offrait de payer 21 $ l'action.
Quebecor détient ainsi la deuxième chaîne de journaux au Canada. Aux 4 quotidiens et 56 hebdomadaires qu'il détenait déjà s'ajoutent les 14 quotidiens, 96 hebdomadaires et 19 publications spécialisées de Sun Media. Mais Quebecor ne les gardera pas tous.
Une entente entre Quebecor et Torstar, son concurrent auprès des lecteurs et son rival dans l'achat de Sun Media, a été annoncée le 21 décembre. Torstar a retiré son offre d'achat de Sun Media et a convenu avec Quebecor de lui acheter, pour 350 millions $, quatre quotidiens plein format du sud-est de l'Ontario, précédemment détenus par Sun Media. Quebecor conserve ainsi son créneau, étant spécialisé dans les tabloïds comme c'est le cas pour la plupart des autres journaux détenus par Sun Media. L'entente comporte aussi une option d'achat de huit hebdomadaires de Torstar par Quebecor et, une fois cette option exercée, une option d'achat de cinq hebdomadaires de Quebecor par Torstar. Enfin, l'entente renforce les relations d'affaires déjà existantes entre les deux sociétés en matière d'impression et de distribution des publications et d'achat de papier journal.
Alcan : un contrat alléchant avec GM
Alcan a signé, l'automne dernier, un contrat de fourniture d'aluminium d'une durée de dix ans avec General Motors (GM). La valeur exacte du contrat n'est pas connue, mais elle s'élèverait à plusieurs milliards de dollars. C'est grâce à l'accord d'une durée de dix-huit ans signé avec les employés des ses usines du Saguenay/Lac-Saint-Jean, dont sa nouvelle usine d'électrolyse d'Alma - un investissement de plus de deux milliards de dollars - qu'Alcan peut s'engager à si long terme.
Pour sa part, GM, qui utilise déjà 770 millions de kilos d'aluminium par année, entend augmenter son utilisation de 7 % par année. Plus l'aluminium est utilisé dans la fabrication d'une voiture, plus celle-ci est légère, moins elle consomme d'essence et moins elle pollue. La voiture électrique EV1 de GM est la première voiture produite en série dont la structure est entièrement faite d'aluminium.
Indices économiques
Le taux d'escompte de la Banque du Canada a été abaissé de 6 à 5,25 %, de la fin d'août à la fin de décembre.
Le dollar canadien valait 64,50 ¢ US à la fin de décembre, comparativement à 64,65 ¢ US la dernière semaine d'août, soit une très légère dépréciation.
En 1998, l'économie québécoise a créé une moyenne de 67 200 emplois comparativement à 47 700 en 1997.
In memoriam
Henri-F. Gautrin, ing.
C'est avec tristesse que nous annonçons le décès subit, le 6 février 1999, de cet homme d'affaires connu qui a dirigé les destinées du groupe de construction Janin pendant plusieurs années. Humaniste, homme de culture, Henri-F. Gautrin a été étroitement associé au démarrage et au développement de QUÉBEC DANS LE MONDE. En 1984, à l'invitation du président Henri Bergeron, il avait accepté de présider le Conseil des gouverneurs. Il a ensuite siégé pendant six ans au conseil d'administration, dont deux à titre de président. Il a maintenu son engagement jusqu'à maintenant en qualité de président sortant. Avec sa disparition, c'est une partie de la mémoire de QUÉBEC DANS LE MONDE qui disparaît avec lui. Son implication, son dévouement, sa contribution et le souci constant qu'il témoignait à la bonne marche de notre organisation sont ressentis comme une grande perte.