QUÉBEC Info
PRINTEMPS-ÉTÉ 2000
***** LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC, UN SUJET DE PLUS EN PLUS À L'ORDRE DU JOUR
La loi C-20
À la mi-décembre, le gouvernement fédéral déposait à la Chambre des communes à Ottawa le projet de loi C-20, communément appelé "loi sur la clarté". Il porte sur la clarté qui devrait caractériser un éventuel référendum sur un projet de sécession d'une province, en l'occurence le Québec.
Alors que les tenants du fédéralisme répètent que la population du Québec est lasse de la question constitutionnelle et ne souhaite plus en entendre parler, c'est de leur camp qu'est venue la relance du débat. Mais, de toute façon, la crise constitutionnelle existe bel et bien. En effet, la constitution du Canada de 1982 a été adoptée sans le consentement du Québec et malgré l'opposition quasi unanime de l'Assemblée nationale du Québec. La crise ne sera résolue que lorsque le Québec aura adhéré à la constitution canadienne ou se sera retiré de la Confédération.
À la suite de l'avis de la Cour suprême du Canada d'août 1998, qui reconnaissait comme légitime un éventuel projet de sécession d'une province, le gouvernement du Canada tente de reprendre l'avantage en déterminant à l'avance les conditions de légitimité d'un tel projet. D'abord, la question posée au référendum devra être claire, c'est-à-dire porter sur la sécession et non sur la souveraineté et elle ne devra pas parler de partenariat. Et le gouvernement du Canada se réserve le droit de juger de la clarté de la question lorsqu'elle sera connue. Ensuite, la réponse donnée par le vote populaire devra être claire. Ici encore, le gouvernement du Canada se réserve le droit de décider après coup si la majorité est suffisante pour que la réponse soit jugée claire, récusant ainsi d'avance la règle universelle des 50 % plus une voix.
Or, l'avis de la Cour suprême légitime le projet de sécession d'une province et fait obligation au gouvernement fédéral de négocier de bonne foi. Il appartient donc à cette province de définir son projet. C'est ce que lui refuse le projet de loi fédéral. Le gouvernement du Canada veut en réalité se donner un prétexte pour se soustraire à l'obligation de négocier que lui fait la Cour suprême dans l'éventualité d'une décision du Québec favorable à la souveraineté. Aussi, plusieurs observateurs sont-ils d'avis que cette loi serait déclarée inconstitutionnelle si elle était contestée devant la Cour suprême.
D'ailleurs, le Parti libéral du Québec, pourtant fédéraliste, s'est déclaré opposé au projet de loi fédéral et plusieurs fédéralistes québécois éminents, dont Claude Ryan, ancien chef du Parti libéral du Québec, l'ont vivement critiqué.
Le projet de loi C-20 est maintenant à l'étude au sénat canadien où il sera vraisemblablement adopté en dépit d'une très vive opposition.
La loi 99
Le gouvernement du Québec ne pouvait rester indifférent à ce projet de loi d'Ottawa qui porte atteinte aux droits fondamentaux du peuple québécois et réduit les pouvoirs de son Assemblée nationale. Quelques jours après le dépôt à Ottawa du projet de loi C-20, en décembre 1999, le gouvernement du Québec déposait à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 99 qui "réaffirme les droits fondamentaux ainsi que les prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec".
On pouvait espérer un appui unanime à un tel projet de loi. En effet, l'Opposition officielle - le Parti libéral du Québec - avait déjà manifesté son opposition au projet fédéral et le projet de loi québécois ne faisait que réaffirmer les droits fondamentaux de l'Assemblée nationale elle-même. Mais l'Opposition annonça qu'elle voterait contre ce projet de loi pour deux raisons principales : le texte ne contenait aucune mention de l'appartenance du Québec au Canada et ne faisait aucune référence à l'avis de la Cour suprême du Canada. Après étude en commission parlementaire où de nombreux citoyens sont venus présenter leurs commentaires sur la question, le gouvernement du Québec a décidé de réécrire le projet de loi et d'y faire référence au Canada et à la Cour suprême. Mais l'Opposition officielle maintient son intention de voter contre ce projet. Le 3 mai dernier, le chef de l'Opposition, Jean Charest, proposait à l'Assemblée nationale d'exprimer son opposition au projet de loi C-20 d'Ottawa par une déclaration solennelle plutôt que par une loi, ce qui mettrait le texte adopté à l'abri d'une contestation judiciaire et ramènerait le débat sur le plan politique.
Le livre Sortie de secours de Jean-François Lisée
Jean-François Lisée a été conseiller des Premiers ministres du Québec Jacques Parizeau, de 1994 à 1995, et Lucien Bouchard, de 1996 à 1999. À ce titre, il a été l'un des artisans de la quasi-victoire du Oui au référendum de 1995. À la fin de l'été 1999, il démissionnait et se consacrait à la rédaction d'un livre choc paru au début de février : Sortie de secours - Comment échapper au déclin du Québec (Boréal, 2000).
Lisée consacre d'abord près de 200 pages à une démonstration documentée et éloquente de la nécessité pour le Québec de devenir un pays souverain, un projet "plus nécessaire que jamais" affirme-t-il. En deuxième partie, il constate que pour le moment ce projet est irréalisable : les Québécois n'en perçoivent pas l'urgence, le peuple souffre de lassitude. Et pendant ce temps, Ottawa centralise de plus en plus les pouvoirs et affaiblit le Québec.
Pour sortir de cette impasse et reprendre l'initiative, Lisée propose au gouvernement du Québec de tenir un référendum non pas sur un projet de souveraineté, pour le moment voué à l'échec, mais sur la revendication d'un ensemble de pouvoirs dont le Québec moderne a besoin. Fort de l'appui massif qu'il ne manquerait pas de recueillir, le Québec pourrait alors exiger d'Ottawa la pleine autonomie en matière de langue, de culture, de communications, d'éducation, de recherche et de santé.
L'auteur espérait que sa proposition serait discutée, et peut-être adoptée, au congrès du Parti québécois de ce printemps. Mais ce ne fut pas le cas. Son projet y a plutôt été perçu comme une diversion ou une astuce ne permettant pas de faire avancer la cause du Québec.
Le Congrès du Parti québécois
C'est à Montréal, du 5 au 7 mai, qu'avait lieu le 14e congrès national du Parti québécois. Non seulement l'objectif de mener le Québec à une pleine et entière souveraineté y a-t-il été réaffirmé, mais le président du Parti québécois et Premier ministre Lucien Bouchard a proclamé que l'indépendance financière étant atteinte, il fallait à présent "placer à l'avant-scène du débat public la question de l'avenir politique du Québec" et convaincre les Québécois que la souveraineté est une nécessité.
La question de la langue a donné lieu à un important débat. Faut-il revenir à l'affichage unilingue français ? Et, devant le transfert massif des jeunes immigrants vers les collèges anglais dès leur sortie de l'enseignement primaire et secondaire, faut-il rendre obligatoire la fréquentation des collèges dispensant l'enseignement en français ? Les participants au congrès ont finalement appuyé la proposition de tenir, à l'automne, des états généraux de la langue et d'y reporter la discussion sur ces points.
Le projet de partenariat d'un Québec souverain avec le Canada doit-il être maintenu au programme du parti alors que le Canada ne semble pas en vouloir ? Le congrès du Parti québécois a décidé de le conserver, un tel partenariat étant dans l'intérêt du Québec aussi bien que du Canada, sans compter qu'il se situe dans la perspective mondiale actuelle d'ouverture des marchés et de conclusion d'ententes politiques régionales.
Une proposition visant à affirmer le caractère social-démocrate du parti n'a pas suscité l'intérêt escompté. Les participants ont préféré renforcer le contenu social-démocrate du programme en adoptant une proposition demandant au gouvernement de déposer un projet de loi-cadre sur l'élimination de la pauvreté.
Enfin, comme le veut la coutume des congrès nationaux de partis, le Parti québécois a voulu mesurer auprès de ses membres l'appui dont dispose le président Lucien Bouchard. Dans un vote de confiance tenu le 6 mai, 91 % des délégués lui ont exprimé leur soutien. Au cours des dernières années, plusieurs membres du parti avaient regretté de ne pas entendre plus souvent leur chef parler de souveraineté et expliquer la nécessité pour le Québec de devenir souverain; il faut dire que le Premier ministre avait fort à faire pour rétablir l'équilibre budgétaire. Maintenant que ce handicap est surmonté et que Lucien Bouchard peut s'engager à faire de la promotion de la souveraineté la priorité des prochaines années, les membres de son parti tenaient à lui manifester leur satisfaction et leur confiance.
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***** LE SOMMET DU QUÉBEC ET DE LA JEUNESSE
Le Québec est un habitué des grandes tables de concertation socio-économiques, mais il fallait de l’audace pour réunir, d’une part, les représentants de la jeunesse collégiale et universitaire et des associations de jeunes adultes, et d’autre part, les acteurs politiques, les syndicalistes et les gens d’affaires. C’est ce que le gouvernement du Québec a fait en convoquant, les 22 et 23 février derniers à Québec, le Sommet du Québec et de la jeunesse.
Le ministre d’État à l’Éducation et à la Jeunesse, François Legault, avait la responsabilité de mener à bien ce Sommet annoncé dès novembre 1998. Tout au long de l’automne 1999, quatre chantiers ont préparé les discussions sur autant de thèmes - l’emploi, l’éducation, la société, l’ouverture sur le monde - en parcourant le Québec pour recueillir les attentes et les idées des jeunes et des divers groupes qui composent la société. À mesure qu’approchait le Sommet, les attentes devenaient de plus en plus grandes et le scepticisme à l’égard des possibilités de succès d’un tel exercice public s’exprimaient de plus en plus fort. Les jeunes seraient-ils en nombre suffisant autour de la table pour que leur voix se fasse vraiment entendre ? Les jeux étaient-ils pipés d’avance ? Ce Sommet constituait un défi de taille.
Beaucoup d’organismes de jeunes se sentaient floués par leur absence ou ce qu’ils jugeaient être leur sous-représentation au Sommet officiel. Ils ont regroupé leurs forces autour d’un contre-sommet pour exprimer leurs revendications, pour mettre en quelque sorte le Sommet officiel sous surveillance. Plusieurs craignaient que les décisions ne soient prises par le gouvernement avant même que la discussion se fasse avec les représentants des jeunes. Il n’en fut rien. On l’a bien vu après que ceux-ci eurent, dès la première journée, pratiquement imposé leur ordre du jour. Ils ont su exprimer les problèmes d’exclusion et de pauvreté que les jeunes vivent, faire valoir leurs besoins en éducation. Ils réclamaient un important réinvestissement dans la formation collégiale et universitaire.
Le Sommet a donné des résultats positifs. Les jeunes ne sont pas tous convaincus que le gouvernement les a compris, mais ils reconnaissent qu’il les a écoutés. Le Premier ministre Lucien Bouchard, qui présidait le Sommet, s’est engagé à élaborer une politique jeunesse. Devant l'insistance des jeunes à obtenir des engagements chiffrés, il a annoncé un investissement d’un milliard de dollars dans le secteur de l’éducation au cours des trois prochaines années. Au chapitre des politiques sociales, diverses mesures ont été acceptées et le Fonds de lutte à la pauvreté, qui devait cesser d’exister, sera maintenu et doté d’un budget de 160 millions $. Un Fonds jeunesse de 240 millions $ sera créé grâce aux contributions conjointes des secteurs privé et public.
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***** LES AUTOCHTONES : NOUVELLES ENTENTES
La politique d’ouverture du gouvernement du Québec envers les communautés autochtones a connu de nouveaux développements depuis le début de l’an 2000.
Entente historique avec les Innus-Montagnais
Après plus de 20 séances de négociation intensive, les autorités gouvernementales et le Conseil tribal des Innus de Mamuitun (les Innus de l’Ouest) se sont entendus, à la fin de mars, sur une approche commune qui consacrera éventuellement l’autonomie gouvernementale innue. Cette entente ouvre la voie à une négociation globale qui porterait sur le territoire, sur l’autonomie politique et sur le développement économique.
En échange d’une enveloppe de 340 millions $, les Innus de Mamuitun renoncent à poursuivre Hydro-Québec et à exercer un droit de veto sur de futurs projets de développement. Ils acceptent l’abolition des réserves fédérales et obtiennent en contrepartie la propriété exclusive sur des terres couvrant deux fois leur superficie actuelle, avec juridiction autonome sur les droits de pêche, de chasse et de piégeage. Ils toucheront dorénavant des droits sur certaines ressources de leur territoire ancestral, notamment les richesses minières, et recevront des redevances annuelles de 3 %, soit environ 3,5 millions $.
Notons que l’approche commune convenue entre les gouvernements de Québec et d’Ottawa et le Conseil tribal s’applique à trois des quatre communautés innues, celles des réserves de Mashteuiatsch au Lac Saint-Jean, des Betsiamites et des Escoumins sur la Côte-Nord (plus de 8000 Innus sur une population totale de 14 000 au Québec). Une importante communauté innue, Mamit Innuat (les Innus de l’Est), à l’Est de Sept-Îles, n’est pas partie prenante à l’entente; elle en conteste les conditions politiques et économiques.
Cette approche commune et la négociation qui en découle auront des conséquences importantes sur les activités des villes et villages de la Côte-Nord du Québec. Aussi, le ministre Guy Chevrette et le négociateur gouvernemental Louis Bernard ont-ils rencontré les préfets des municipalités régionales de comté (MRC) Haute-Côte-Nord et Manicouagan ainsi que les maires des principales municipalités de ces MRC. La Fédération québécoise de la faune, intéressée au premier chef par la portée de l’entente sur les ressources naturelles, a également participé à ces rencontres. Tous se sont déclarés heureux des progrès de la négociation et de l’engagement du gouvernement du Québec de les associer au processus de rédaction des ententes définitives qui devraient être conclues d’ici un an.
Québec et le Chef huron fument le calumet de paix
Le ministre délégué aux affaires autochtones, Guy Chevrette, et le Grand chef de la nation huronne-wendat, Willie Picard, se sont rencontrés, le 17 février, pour signer une série d’ententes économiques dont l’objectif est de stimuler le développement de Wendake, village huron situé en banlieue de la ville de Québec.
Un accord particulier donne à la nation huronne-wendat accès à une enveloppe de 2,3 millions $ du Fonds de développement pour les autochtones dont les déboursés seront étalés sur cinq ans. Pour chaque projet co-financé, l’apport du Fonds québécois ne devra pas dépasser 50 % du budget total.
Le Conseil de la nation huronne-wendat a proposé d’ouvrir une auberge dans la Réserve faunique des Laurentides et de réaliser un ambitieux projet d’aménagement sylvicole menant à la création d’une forêt modèle. Le Conseil entrevoit la revitalisation du Vieux-Wendake, la restauration des vieilles demeures et l’aménagement d’un musée afin de mettre mettre en valeur ce qui fait la particularité de la nation huronne-wendat.
Un service de police autochtone
Au début de mai, une entente relative aux services policiers de la communauté autochtone de Lac Barrière, dans la réserve faunique La Vérendrye, a été signée par les autorités de cette communauté, d’une part, et par les représentants des gouvernements du Canada et du Québec, d’autre part. Cette communauté pourra donc mettre en place sa propre police afin d’assurer la sécurité publique sur son territoire. Cela répond aux voeux de sa population qui y voit la reconnaissance et le respect de sa culture amérindienne.