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PRINTEMPS-ÉTÉ 2001 

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POLITIQUE

***** UN NOUVEAU PREMIER MINISTRE : BERNARD LANDRY

Le 11 janvier dernier, Lucien Bouchard annonçait son retrait de la vie politique. Sa démission comme président du Parti québécois (PQ) prenait effet immédiatement. Il demeurait toutefois Premier ministre, le temps requis pour qu’on lui trouve un successeur. Le Parti québécois devait donc, dans les plus brefs délais, se désigner un nouveau président et tout d’abord déterminer les règles qui allaient présider au choix d’un nouveau chef.

Le PQ se choisit un chef

Dès l'annonce de la démission de Lucien Bouchard, les candidats potentiels au poste de président du PQ commençaient à élaborer leurs stratégies. Le Vice-premier ministre Bernard Landry allait être de toute évidence un candidat important. Les sondages montraient qu’il disposait d’une très forte avance sur tout autre candidat éventuel. Mais deux importants ministres du gouvernement Bouchard se montraient intéressés et bénéficiaient d’appuis significatifs : la ministre de la Santé et des Services sociaux, Pauline Marois, et le ministre de l’Éducation, François Legault. Il a même été question que ce dernier retire sa candidature en faveur de la ministre Marois. Finalement, François Legault a appuyé Bernard Landry et, quelques jours plus tard, Pauline Marois s'est ralliée à son tour à la candidature du Vice-premier ministre.

C’est ainsi que, le 21 janvier, Bernard Landry a annoncé officiellement qu’il se portait candidat à la direction du Parti québécois. Dans son comté de Verchères, près de Montréal, s’adressant à une assemblée de quelque 400 partisans, il a précisé l’idéal qui l’anime : "Le Québec forme une nation (qui a) le devoir de chercher la pleine reconnaissance de ce qu’elle est, autant au Canada que dans la communauté internationale. L’accès à l’entière souveraineté de notre État doit se faire dans la modernité. (…)  Nous voulons pour le Canada et le Québec une union entre nations égales".

Par ailleurs, Jean Ouimet, un individu relativement peu connu, provenant de l’extérieur de l’appareil du Parti et ancien chef du Parti vert du Québec, exprimait son intention de se porter candidat afin de promouvoir, dans une perspective de développement durable, un Québec social-démocrate.

Telle était la situation lorsqu’un Conseil national spécial du PQ s'est réuni le 27 janvier afin de décider des règles à suivre. La date limite pour le dépôt d’une candidature a été fixée au 16 février. En outre, pour être recevable, une candidature devait recueillir 1000 signatures de membres en règle du Parti dont au moins dix dans 40 circonscriptions différentes. Il a été déterminé que s'il y avait plus d’une candidature, il y aurait vote des membres du Parti par la poste et que le nouveau président serait connu le 7 avril. S’il n’y avait qu’une seule candidature, c’est le 3 mars que le nouveau chef du PQ serait investi dans ses nouvelles fonctions. Et c’est d'ailleurs ce qui s'est produit, le citoyen Ouimet n’ayant pu obtenir le nombre requis de signatures pour poser sa candidature, Bernard Landry a été élu par acclamation le 3 mars, à Saint-Hyacinthe, lors du Conseil national du Parti québécois.

Prononçant le discours de clôture du Conseil national, le nouveau président du Parti a soulevé l’enthousiasme des partisans en leur disant que le temps était venu de promouvoir la souveraineté du Québec. À ce sujet, "la réflexion est largement terminée, leur a-t-il dit, le mot clef pour les mois et les années à venir est : action".

Un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement

Le 8 mars, Bernard Landry a été assermenté Premier ministre par le lieutenant-gouverneur Lise Thibault. Le jour même, il a présenté les membres de son gouvernement (voir l'encadré plus loin). Comme ce nouveau gouvernement ne faisait pas suite à une élection générale, le Premier ministre a disposé d’une marge de manœuvre réduite. Il a quand même effectué un important remaniement du Conseil des ministres, en appelant quinze membres à occuper de nouvelles fonctions. En cette Journée internationale des femmes, le Premier ministre était fier d’annoncer la nomination de Pauline Marois aux fonctions de Vice-première ministre et de ministre d’État à l’Économie et aux Finances. De plus, huit autres femmes siègent au Conseil des ministres et les six comités ministériels sont présidés par des femmes. La courbe des âges s’est légèrement rajeunie en raison du départ de deux ministres du gouvernement précédent, Jacques Léonard et Jean-Pierre Jolivet, et de l’arrivée de Richard Legendre, recruté en dehors des rangs de la députation actuelle. Et parmi les plus jeunes, quelques-uns se sont vus confier des responsabilités accrues. Lors de sa brève allocution, le Premier ministre a insisté sur deux préoccupations majeures de son nouveau gouvernement, soit la création de la richesse et la lutte à la pauvreté, et il a rappelé la nécessité d’œuvrer à "la pleine affirmation nationale de notre patrie".

Les intentions du nouveau gouvernement

Le 22 mars, le Premier ministre Bernard Landry a inauguré la deuxième session de la 36e législature et a prononcé à l’Assemblée nationale son premier discours à titre de Premier ministre, dévoilant les intentions de son nouveau gouvernement, reconnaissant que "le défi le plus grand est de maintenir le cap sur la prospérité, de l’étendre à l’ensemble des régions du Québec et de la partager équitablement entre les personnes".

La lutte à la pauvreté et à l’exclusion constituera donc sa première priorité. "Le nouveau gouvernement veut d’abord être celui de la solidarité". Il entend développer "une véritable stratégie de développement social" et présenter "un plan de lutte contre la pauvreté".

En second lieu, les régions-ressources qui connaissent un niveau inacceptable de chômage feront l’objet d’une attention très particulière. Il s’agit de "dynamiser (…) le secteur des ressources naturelles, (...) de soutenir plus énergiquement encore les industries de la deuxième et de la troisième transformation" et de maintenir la croissance du "secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, celui des pêches et de l’aquaculture et le tourisme (qui) exercent un rôle moteur dans l’économie de plusieurs régions". De plus, "le gouvernement adoptera sous peu une politique nationale de la gestion de l’eau".

Au chapitre de la culture, le gouvernement veut "assurer un soutien accru à la création et à son rayonnement à l’étranger, mettre à jour la politique québécoise du cinéma et de la production audiovisuelle et donner un souffle nouveau au développement culturel régional".

Dans la foulée du Sommet du Québec et de la jeunesse qui eut lieu à Québec en février 2000, "le gouvernement déposera prochainement la Politique québécoise de la jeunesse".

Enfin, quant à la question constitutionnelle et à la place du Québec au sein de la Confédération canadienne, Bernard Landry a annoncé deux mesures :

- la mise à jour des études qui avaient été réalisées par la Commission Bélanger-Campeau, en 1991, sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec et de celles réalisées en 1995 par la Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, dite Commission Le Hir. Il s’agira, pour le gouvernement, de continuer "d’explorer la voie d’un nouveau partenariat avec le Canada et notamment l’idée d’une nouvelle union de type confédéral entre États souverains";

- la création d’une commission "chargée de faire rapport sur le déséquilibre fiscal qui prévaut entre le gouvernement fédéral et le Québec, et les façons de le corriger". Yves Séguin, avocat fiscaliste et ancien ministre du Revenu du Québec sous le gouvernement libéral de Robert Bourassa, a accepté de présider cette commission.

Voilà donc l’ambitieux programme que s’est donné le nouveau Premier ministre.

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***** QUI EST BERNARD LANDRY ?

Né en 1937, Bernard Landry a fait ses études de droit à l’Université de Montréal et a obtenu un diplôme en économie et en finances de l’Institut d’études politiques de Paris. Au cours des années 1960, il a été conseiller auprès du gouvernement de Jean Lesage, particulièrement auprès de René Lévesque alors ministre des Ressources naturelles. De 1965 à 1967, il a fait un stage de perfectionnement à Paris auprès du ministère français des Finances et des Affaires économiques. Puis, il a pratiqué le droit et s'est lancé en politique active.

Candidat du Parti québécois en 1970 et 1973, il a subi deux fois la défaite. Élu député du comté de Fabre aux élections du 15 novembre 1976, il a été nommé ministre d’État au Développement économique le 2 février 1977. C’est alors qu’il a conçu la stratégie de développement de l’économie du Québec connue sous le titre de Bâtir le Québec. Jusqu’en décembre 1985, il a été titulaire de divers ministères : Commerce extérieur, Relations internationales, Finances. De 1986 à 1994, il a été professeur agrégé de science de la gestion à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et professeur invité en France, au Mexique et en Afrique. Élu député du comté de Verchères en septembre 1994, le Premier ministre Jacques Parizeau l'a nommé Vice-premier ministre du Québec. Puis, en janvier 1996, Lucien Bouchard a été assermenté comme Premier ministre et a choisi Bernard Landry pour être son bras droit. Celui-ci est donc demeuré Vice-premier ministre et est devenu le grand responsable de l’économie et des finances du Québec.

Jusqu’à sa nomination comme Premier ministre, il a aussi été ministre d’État à l’Économie et aux Finances, ministre de l’Industrie et du Commerce et ministre des Finances. C’est lui qui, de 1996 à 1999, a redressé les finances du Québec, éliminant en trois ans les déficits annuels qui affligeaient le Québec depuis 25 ans. C’est lui qui a développé l’économie du Québec vers les technologies de pointe et les industries du savoir. De 1996 à 1999, le taux de chômage est ainsi passé de 13 % à 8 %, son taux le plus bas depuis 25 ans. C'est donc en étant bien préparé qu'il assume aujourd'hui les hautes fonctions de Premier ministre du Québec.

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***** LE CONSEIL DES MINISTRES

Le 8 mars dernier, le Premier ministre Bernard Landry présentait les membres de son gouvernement :

Pauline Marois : Vice-première ministre, ministre de l’Économie et des Finances, de la Science, de la Recherche et de la Technologie
Guy Chevrette : ministre des Transports, des Affaires autochtones, de la Faune et des Parcs et de la Réforme électorale
Louise Harel : ministre des Affaires municipales et de la Métropole
Jacques Brassard : ministre des Ressources naturelles, de la Réforme parlementaire et leader parlementaire du gouvernement
Louise Beaudoin : ministre des Relations internationales et de la Francophonie
Sylvain Simard : ministre à l’Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor
Jean Rochon : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale
Rémy Trudel : ministre de la Santé et des Services sociaux
Gilles Baril : ministre des Régions, de l’Industrie et du Commerce, des Loisirs et du Sport
François Legault : ministre de l’Éducation et de la Jeunesse
Diane Lemieux : ministre de la Culture et des Communications, responsable de la Charte de la langue française
Linda Goupil : ministre de la Famille et de l’Enfance, de la Condition féminine et des Aînés
Serge Ménard : ministre de la Sécurité publique
Paul Bégin : ministre de la Justice
Guy Julien : ministre du Revenu
André Boisclair : ministre de l’Environnement
Maxime Arsenau : ministre de l’Agriculture, des Pêches et de l’Alimentation
Joseph Facal : ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et ministre responsable des Relations avec les francophones hors Québec
Agnès Maltais : ministre déléguée à la Santé et aux Services sociaux
Nicole Léger : ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l’exclusion
David Cliche : ministre délégué à la Recherche, à la Science et à la Technologie
Jacques Baril : ministre délégué aux Transports
Richard Legendre : ministre délégué au Tourisme, au Loisir et aux Sports
Richard Claude Boucher : secrétaire d’État aux Infrastructures
Jocelyne Caron : secrétaire d’État à la Condition féminine
Lucie Papineau : secrétaire d’État aux Régions ressources
André Boulerice : secrétaire d’État à l’accueil des immigrants
Michel Morin : whip en chef
François Gendron : président du groupe parlementaire

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***** BUDGET 2001-2002

Moins de trois semaines après être devenue ministre des Finances, Pauline Marois présentait son budget 2001-2002, le 29 mars dernier, devant les membres de l’Assemblée nationale. La tâche paraissait facile pour la première femme à occuper cette fonction : après une décennie de compressions budgétaires, la nouvelle ministre pouvait compter sur une marge de manœuvre de quelque 5 milliards $ pour sa première prestation. Elle devait cependant composer avec les réductions de l’impôt des particuliers étalées sur trois ans accordées dans le dernier budget de son prédécesseur. Certains se demandaient si ces réductions seraient maintenues. Non seulement elles l’ont été, mais de nouvelles réductions s’y ajoutent dès cette année. Du côté des dépenses, le déblocage de fonds additionnels pour la santé et l’éducation, et des mesures diverses d’aide au développement industriel dans les régions, constituent les faits saillants.

Pour les analystes, c’est un budget qui s’inscrit dans la continuité; il est marqué par la prudence et par l’équilibre. Équilibre budgétaire d’abord, mais aussi équilibre dans l’utilisation des sommes disponibles. Pour la première fois depuis quarante ans, des fonds seront affectés à la réduction de la dette. Le montant de 500 millions $ est plutôt symbolique, mais il témoigne, de la part de la ministre, d’une volonté de se démarquer par rapport à ses prédécesseurs. La dette était stabilisée depuis trois ans et son poids relatif avait diminué par rapport au PIB qui a connu une forte croissance. La décision de la ministre accélérera le mouvement à la baisse : la dette nette qui représentait 43,9 % du PIB en 1998 passera à 37,4 % au terme de la présente année, et la tendance se poursuivra à la faveur de la croissance économique.

Les réductions additionnelles de l’impôt des particuliers comptent pour beaucoup dans les nouvelles affectations budgétaires, entraînant un manque à gagner de 1 milliard $ en 2001-2002 et de 1,2 milliard $ l’année suivante. Au 1er juillet de cette année, elles se traduiront par une réduction des taux d’imposition pour toutes les tranches de revenus et par l’indexation des tables d’impôt à compter de janvier 2002. Diverses bonifications sont aussi prévues dans les crédits d’impôt. Des mesures viendront alléger le fardeau fiscal des entreprises situées dans les régions ressources et celui des entreprises coopératives. Les entreprises manufacturières admissibles des régions ressources éloignées, dont le capital n’excède pas 10 millions $, bénéficieront d’un congé fiscal complet au cours des dix prochaines années. La mesure s’appliquera à sept régions : Abitibi, Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord, Nord-du-Québec, Gaspésie et Saguenay / Lac-Saint-Jean ainsi qu’à la partie nord de la Mauricie. Toutes les entreprises de ces mêmes régions pourront aussi bénéficier d’un crédit d’impôt représentant 40 % de l’augmentation de leur masse salariale, à la condition d’avoir créé trois emplois à plein temps.

Le budget Marois a reçu un accueil généralement très favorable même si certains observateurs ont jugé insuffisantes les réductions de l’impôt des particuliers. Certaines déceptions ont été vivement exprimées. Les agents économiques de la région de Charlevoix n’ont pas caché leur déception de ne pas bénéficier des mesures prévues pour les régions ressources. Même si elle fait partie de la région de Québec, Charlevoix profite peu de la prospérité de la région, son économie reposant presque uniquement sur le tourisme. Déception aussi dans les milieux voués à la lutte contre la pauvreté, qui jugent insuffisante la hausse annoncée de 2,5 % des prestations d’aide sociale rétroactive au 1er janvier 2001. Et le programme Action emploi est loin de faire l’unanimité. Celui-ci veut favoriser le retour au travail des bénéficiaires de l’assurance-emploi en leur accordant un supplément de revenu, ce qui est jugé discriminatoire envers ceux qui occupent déjà des emplois semblables.

La prudence est encore observable dans les prévisions de revenus dévoilées dans le plan budgétaire déposé par la ministre. Le budget table sur une réduction de 2,3 % des taxes sur la consommation et de 2,5 % des revenus autonomes, cette dernière résultant d’une réduction de 6,5 % de l’impôt des particuliers. Ces prévisions paraissent conservatrices en regard d’une croissance prévue du PIB de 2,7 %. La prudence est une vertu qui a bonne presse chez les ministres des Finances qui préfèrent annoncer de bonnes nouvelles en fin d’année et aussi se prémunir contre le ralentissement possible de l’économie et contre d’éventuels mauvais coups en cours d’année. C’est ainsi que Pauline Marois prévoit au budget des dépenses une réserve de 950 millions $ pour la santé, l’éducation, la solidarité sociale et la recherche. Et la prévision de croissance du PIB de 2,7 % traduit bien cette anticipation de ralentissement car la croissance a été de 4,7 % en 1999 et de 4,3 % l’an passé.