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PRINTEMPS-ÉTÉ 2002

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POLITIQUE

***** LA PAIX DES BRAVES :  ENTENTE HISTORIQUE ENTRE LES CRIS ET LE QUÉBEC

La politique autochtone du gouvernement du Québec, telle que définie au printemps 1998, a comme objectif de favoriser l’autonomie des communautés autochtones et, à cette fin, de signer avec elles diverses ententes sectorielles.  Elle s’inspire de l’énoncé de politique en matière d’affaires autochtones adopté par l’Assemblée nationale le 20 mars 1985.  Au cours des dernières années, les communications directes entre les chefs de ces communautés et le ministre des Affaires autochtones, Guy Chevrette, ont facilité la signature de plusieurs ententes, notamment avec les Innus-Montagnais, les Mohawks, les Montagnais-Essipit, les Micmacs et plusieurs autres communautés.  Les relations du Québec avec les autochtones se sont améliorées de façon appréciable et les négociations directes donnent maintenant les résultats recherchés.

Toutefois, il subsistait un lourd contentieux entre les Cris et le gouvernement québécois.  La Convention de la Baie-James et du Nord québécois, signée en 1975 entre le gouvernement du Québec et les Cris et les Inuits, octroyait à ces deux nations de nombreuses responsabilités ainsi que les moyens financiers nécessaires à leur application.  Ils renonçaient, en contrepartie, à leurs droits sur un territoire qui devait servir au développement hydroélectrique par la construction d’immenses barrages sur les rivières du Nord.  Cependant, certains leaders cris se sont toujours opposés aux projets de développement, adoptant des positions très tranchées et virulentes face au gouvernement du Québec, menant des actions sur le plan international pour le discréditer.  On se souviendra de la campagne internationale de dénigrement contre Hydro-Québec, le gouvernement et l’hydroélectricité, menée tambour battant surtout à New York, mais aussi en Europe auprès de l’Unesco et du Parlement européen.

Sur le plan judiciaire, les Cris ont intenté, contre le gouvernement du Québec, des poursuites relatives à l’interprétation de la Convention de 1975, notamment au sujet des ressources naturelles, du régime forestier et de l’exploitation minière.  On estime à huit milliards de dollars l’ensemble des réclamations pendantes devant les cours de justice.

Entente de principe

Le 23 octobre 2001, l’instant était solennel au Salon rouge de l’Assemblée nationale alors que le Premier ministre du Québec, Bernard Landry, et le chef du Grand Conseil des Cris, Ted Moses, paraphaient une entente de principe établissant une nouvelle relation entre les Cris et le Québec.

L’entente d’une durée de 50 ans prévoit l’injection de 3,5 milliards $ pour le développement des communautés cries.  La répartition sera sous la responsabilité de la Société crie de développement, composée en majorité de représentants autochtones.  Les Cris prennent ainsi en charge leur propre développement économique et communautaire déjà défini par la Convention de 1975, mais resté jusqu’à présent sous la responsabilité du Québec.  C’est un gain important dans la lutte autochtone pour leur autonomie.  Les Cris, quant à eux, renoncent à leurs poursuites contre le Québec et consentent à la réalisation du projet hydroélectrique Eastmain-Rupert, qui produira 1280 MW et coûtera 3,8 milliards $.

Le régime forestier québécois sera adapté au contexte particulier du territoire et soumis à un comité paritaire Cris-Québec sur la foresterie.

"Chacune des communautés, - la nation crie et la nation québécoise - a fait le choix de parier sur la confiance et le respect plutôt que sur l’affrontement et la méfiance" a déclaré le Premier ministre Landry.  "Nous, qui sommes partie prenante à la signature de cette entente historique, aurons la responsabilité dans les années à venir de garder les yeux fixés sur l’avenir et la nécessité de réconciliation durable entre nos deux nations".

Le Grand chef des Cris a lui aussi souligné l’importance de la coopération qui s’amorce.  "Nous nous unissons au Québec, vu notre intention commune de développer ce territoire - Eeyou Istchee ou pays cri - (...) pour bâtir un avenir commun empreint de prospérité.  Cette entente marque un point tournant, compte tenu de la décision des Cris et du Québec (…) d’accepter le défi de résoudre nos différends d’une manière pacifique et de façon à ce que nous puissions travailler ensemble.  Nous signons cette entente de principe aujourd’hui parce que nous partageons une vision commune (…) basée sur de nouvelles relations de nation à nation (…) et un désir commun d’assurer la prospérité tant du Québec que de la nation crie".

Pour montrer l’importance de cette cérémonie de signature qui ouvre la voie à une nouvelle ère dans les relations entre les Québécois et les Cris, le Grand chef conclut :  "Les deux parties laissent le passé derrière eux.  Les deux parties regardent vers le futur.  Nous faisons la paix des braves".

Suite à la signature de l’entente de principe, les négociateurs cris et gouvernementaux se sont mis à la tâche de rédiger une entente finale.  Le texte a été remis aux parties au début de janvier 2002.  Aussitôt, les chefs autochtones sont allés rencontrer les neuf communautés qui regroupent plus de 13 000 Cris afin de leur expliquer les objectifs visés par l’entente et obtenir leur accord.  Près de 70 % de la population crie a appuyé le projet.  À la réunion du Grand Conseil des Cris, les chefs des neuf communautés ont donné officiellement leur accord, même le chef du seul village qui s’y était opposé, estimant que le bien commun de l’ensemble de la nation avait priorité.

C’est au village de Waskagawish (2000 habitants) situé sur les rives de la rivière Rupert que l’entente finale a été signée le 7 février 2002, scellée par une poignée de main entre le Grand chef Ted Moses et le Premier ministre Bernard Landry.

Un espoir pour la jeunesse

L’entente négociée par le Grand Conseil des Cris ouvre des perspectives d’avenir pour les jeunes des communautés autochtones.  Si la Convention de 1975 a permis une meilleure scolarisation et une ouverture sur le monde, la nouvelle entente permettra de créer des emplois.  L’argent versé sera investi dans des projets et des programmes créateurs d’emplois.  Les projets forestiers, miniers et hydroélectriques réserveront des emplois aux travailleurs cris.  Par la prise en charge de son propre développement social et économique, la nation crie favorisera la naissance d’un esprit entrepreneurial et la formation d’entreprises autochtones.

Ces facteurs de prospérité économique ont influencé la décision du Grand Conseil d’accepter de coopérer avec le Québec.  Il est conscient de la pression démographique de la jeunesse.  Plus de 60 % de la population a moins de 25 ans.  Environ 35 % a moins de 15 ans.  Ces jeunes sont plus scolarisés et ils veulent des emplois.  Il s’agit, pour les leaders cris, de répondre à cette attente légitime de leurs jeunes.  Aux jeunes Cris, l’entente redonne espoir dans leur avenir.  Ils pourront laisser libre cours à leur esprit d’initiative et donner suite à leurs projets.

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***** LE QUÉBEC ET LES INNUS :  ENTENTE IMMINENTE

L’entente intervenue entre le Québec et les Cris a fortement stimulé les négociations qui durent depuis plus de vingt ans entre les Innus et les gouvernements du Québec et du Canada.

Le Québec en est rendu à une entente de principe avec les Innus de Mamuitun qui regroupent les communautés de Mashteuiatsh, d’Essipit, de Betsiamites et de Natashquan.  Par ailleurs, les négociations avec les Innus de Mammit Innuat qui regroupent les communautés de Mingan, de La Romaine et de Pakuashipi progressent rapidement.

Le 24 avril, à Mashteuiatsh, un village Innu situé sur la côte ouest du lac Saint-Jean, le négociateur du gouvernement du Québec, Louis Bernard, et le chef négociateur du Conseil tribal Mamuitun, Rémy Kak’wa Kurtness, ont paraphé le texte final d’une entente intervenue après plus de vingt ans de négociation territoriale.  Cette entente doit mener dans un proche avenir à la conclusion d’un premier traité Innu, lorsqu’elle aura été ratifiée par les gouvernements du Québec et du Canada.  Le négociateur du gouvernement du Canada, André Maltais, n’a pas paraphé l’entente mais s’est engagé à recommander sa ratification à son gouvernement.

Ce projet d’entente constitue un changement majeur dans les négociations des droits des autochtones qui reposaient jusqu’à présent sur l’extinction des droits ancestraux dans le cadre d’accords et de traités.  Pour la première fois dans l’histoire des négociations avec une nation autochtone, le Québec a opté pour la reconnaissance des droits des autochtones à la propriété du territoire et à l’autonomie gouvernementale.

Le gouvernement fédéral doit aussi donner son accord à cette entente, car elle soustraira désormais les Innus de ces quatre communautés de la tutelle que leur impose la Loi sur les Indiens.  Cette loi fédérale maintient les Premières Nations dans un statut de mineurs, dans un rôle de pupilles de l’État.

Ce qui donne à l’entente une portée aussi large, c’est "le pouvoir général de faire des lois" explique Alain Napton, le négociateur de Mashteuiatsh.  "Ça n’existe nulle part ailleurs.  Même pas chez les Cris.  Il n’y a pas de précédent au Canada".

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***** PARTENARIAT NUNAVIK-QUÉBEC

Le 9 avril dernier, le Premier ministre Bernard Landry, accompagné de la ministre des Finances Pauline Marois et du ministre des Régions et des Affaires autochtones Rémy Trudel, s’est rendu à Kuujjuaq, village situé à 1600 km au nord de la ville de Québec, pour y signer une importante entente avec les Inuits du Nunavik.  Ils sont environ 10 000 répartis entre les quatorze communautés sises sur le pourtour de la baie d’Ungava et le long de la côte est de la baie d’Hudson.

Pour assurer le développement communautaire et économique du Nunavik, le Québec s’engage à verser 360 millions $, dans un fonds spécial, sur une période de 25 ans.  Il y ajoute un investissement de 115 millions $ pour l’aménagement d’un réseau de parcs et pour la construction, dans les villages, de routes pavées et d’habitations à loyer modique.  Il importe de satisfaire aux besoins d’une population jeune, caractéristique des communautés autochtones.

L’entente instaure un véritable partenariat économique dans l’exploitation des ressources naturelles de ce territoire, alors que les revenus générés par l’exploitation minière et hydroélectrique seront partagés entre les Inuits et le Québec.

Hydro-Québec, en accord avec les Inuits, explorera de nouvelles possibilités de développement du potentiel hydroélectrique du Grand Nord québécois.  Les sites les plus prometteurs sont ceux des rivières George et Caniapiscau.  Le président d’Hydro-Québec, André Caillé, présent à Kuujjuaq lors de la signature de l’entente Québec-Inuits, a annoncé l’investissement de plusieurs dizaines de millions de dollars dans cette première opération.  La production d’électricité pourrait s’élever à 7000 mégawatts, ce qui représente 40 % de la production actuelle de la Baie-James.

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***** DÉSÉQUILIBRE FISCAL :  RAPPORT DE LA COMMISSION SÉGUIN

Le 9 mai 2001, le gouvernement du Québec créait la Commission sur le déséquilibre fiscal dite Commission (Yves) Séguin, du nom de son président, fiscaliste et ancien ministre du Revenu du Québec (1985-1990).  Six commissaires, économistes et universitaires, complétaient son équipe.  La Commission a déposé son rapport le 7 mars 2002.

Le problème

Le problème posé est celui du déséquilibre des ressources fiscales entre les gouvernements des provinces et le gouvernement fédéral du Canada.  En principe, ces ressources doivent être proportionnelles aux obligations de chaque gouvernement.  Au Canada, il s’agit d’une longue histoire qui remonte à la Constitution de 1867.  En octroyant au gouvernement fédéral le pouvoir de dépenser même dans les domaines de juridiction exclusive des provinces, la Constitution, en plus d’énoncer une contradiction, posait un principe propre à engendrer confusion chez les électeurs et conflits entre les deux ordres de gouvernement.

Selon la Commission Séguin, "les interventions fédérales dans les champs de compétence des provinces entraînent des pertes d’efficacité en raison des dédoublements qui en découlent.  La commission insiste notamment sur le problème d’imputabilité soulevé par la présence simultanée de deux ordres de gouvernement dans un même domaine d’intervention".

La Commission a fait réaliser une étude par le Conference Board, le plus important organisme de recherche économique du Canada.  Cette étude démontre que si rien n’est changé, d’ici 2020, le gouvernement fédéral pourra rembourser entièrement sa dette et verra ses surplus annuels atteindre 90 milliards de dollars en 2019-2020.  Au cours de la même période, pour rencontrer ses obligations, le gouvernement du Québec se dirigera rapidement vers un déficit annuel de 3 milliards $ et verra sa dette augmenter de 60 milliards $.

Pourquoi

La cause immédiate de ce déséquilibre remonte au milieu des années 1990.  Le gouvernement fédéral décide alors, de façon unilatérale, de faire des compressions importantes dans les montants qu’il verse aux provinces pour la santé et les programmes sociaux.  En ces domaines, les dépenses des provinces connaissent alors une forte croissance.  En 1994-1995, la contribution fédérale à ces programmes s’élevait à 19,8 % des coûts assumés par le Québec.  En 2000-2001, elle n’était plus que de 11,9 %.

Recommandation principale

Pour établir un équilibre fiscal entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec (et, par extension, ceux des autres provinces), la Commission recommande principalement qu’Ottawa se retire du programme des Transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux et laisse aux provinces la taxe sur les produits et services (TPS) qu’il lève actuellement.

La Commission Séguin ne nie pas que l’équilibre fiscal puisse être rétabli par d’autres moyens, par exemple par un nouveau partage de l’impôt sur le revenu des particuliers, un transfert de points d’impôts.  Mais le mécanisme qu’elle propose présente plusieurs avantages.  En particulier, le "partage des moyens financiers qu’elle recommande aurait pour effet de limiter les initiatives futures du gouvernement fédéral au titre du pouvoir fédéral de dépenser en réduisant sa marge de manœuvre financière disponible à cette fin".  Par ailleurs, il donnerait aux citoyens de chaque province "la pleine capacité d’effectuer des choix qui leur sont propres dans les champs définis par la Constitution comme relevant des provinces".

Les réactions

Au Québec, les milieux politiques, sociaux et économiques ont été unanimes à féliciter le président Séguin et les membres de la Commission et à endosser ses recommandations.  À une exception près, celle du président du Conseil du patronat, Gilles Taillon, pour qui la solution réside dans la diminution des dépenses en santé.  Alors que la population vieillit et que les progrès de la technologie et de la pharmacologie augmentent à la fois l’efficacité des traitements et leurs coûts, personne ne s’est présenté pour appuyer ses dires.

À Ottawa, le gouvernement du Canada se refuse à reconnaître qu’un déséquilibre fiscal existe.  Il a donc à nouveau nié le problème.  Par contre, tous les autres partis politiques représentés aux Communes reconnaissent l’existence du déséquilibre fiscal tel que démontré par le Conference Board et par la Commission Séguin.

Le Rapport a suscité un grand intérêt dans les autres provinces canadiennes :  des sondages récents révèlent que près de 70 % de la population du Canada reconnaît l’existence d’un déséquilibre fiscal important entre le fédéral et les provinces.

Les suites

C’est d’ailleurs à travers tout le Canada que le Rapport de la Commission sur le déséquilibre fiscal va d’abord connaître des suites.  En effet, les ministres des Finances des provinces du Canada réunis à Corner Brook (Terre-Neuve) les 25 et 26 avril derniers, ont unanimement reconnu qu'il existe réellement un déséquilibre fiscal.  Et, à la suggestion de la Vice-première ministre et ministre des Finances du Québec, Pauline Marois, ils ont convenu de compléter les études du Conference Board et de la Commission Séguin en analysant, pour chaque province, l’impact de ce déséquilibre et l’intérêt des solutions proposées.

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***** LE BUDGET DES DÉPENSES 2002-2003

Une semaine après l’énoncé complémentaire au Budget 2002-2003, soit le 26 mars dernier, le président du Conseil du Trésor, Joseph Facal, déposait le livre des crédits à l’Assemblée Nationale.  Il s’agit du budget des dépenses du gouvernement du Québec pour l’année 2002-2003.

C’est le ministère de la Santé et des Services sociaux qui, comme chaque année, obtient la part du lion, soit 17,5 milliards $ ce qui signifie une augmentation de 4,8 % par rapport au budget de l’année précédente.

Le président du Conseil du Trésor en a profité pour signaler la situation critique dans laquelle se trouve à nouveau l’assurance-médicaments.  En effet ce régime croit à un rythme de 15 % par année et il est à nouveau déficitaire.  Les modalités de financement de ce programme sont à l’étude, des consultations ont lieu ce printemps et il est "impératif, de dire Joseph Facal, que les mesures de contrôle des coûts du régime soient introduites dès cette année".

L’éducation, le deuxième poste en importance dans le budget du Québec, recevra 11 milliards $ pour l’année 2002-2003, une augmentation de 4,8 % par rapport à l’année précédente.

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***** BUDGET 2002-2003 :  UN ÉNONCÉ COMPLÉMENTAIRE

On se souviendra qu’à la suite des événements du 11 septembre 2001, la Vice-première ministre et ministre des Finances du gouvernement du Québec, Pauline Marois, avait, le premier novembre, anticipé sur le calendrier habituel et présenté le budget 2002-2003 afin, disait-elle, "que le Québec traverse avec un minimum de turbulence les difficultés actuelles".

C’est donc un énoncé complémentaire à son budget de novembre qu’elle présentait à l’Assemblée Nationale le 19 mars 2002.  Un énoncé qui montre bien en premier lieu que Pauline Marois avait vu juste, en novembre 2001, en misant sur un taux de croissance de l’économie québécoise de 1,7 %.  Plus d’un avaient alors décrié ce taux, selon eux exagérément optimiste.  Les mesures qu’elle annonçait alors ont porté fruit.  La ministre des Finances a donc pu confirmer ses prévisions d’un taux de croissance du produit intérieur brut de 1,7 % en 2002 et prévoir pour 2003 un taux de 2,9 %.

Les revenus anticipés de l’État (52 milliards $) en 2002-2003 sont revus légèrement à la hausse (586 millions $ en plus) tandis que le service de la dette est moins élevé que prévu (192 millions $ en moins).  La ministre des Finances dispose donc, en principe, d’une marge de manœuvre de 778 millions $.  Mais les paiements de péréquation versés au Québec par le gouvernement fédéral sont réduits du même montant, 778 millions.  Sans compter les réductions annoncées, car le gouvernement du Canada a modifié la formule de calcul de la péréquation et réduira de 840 millions $, à compter de 2003-2004, le montant versé au Québec.

C’est pourquoi l’énoncé budgétaire ne prévoit pas d’ajout à la santé et les quelques dépenses additionnelles, importantes pour les personnes qu’elles touchent, sont qualifiées de "corrections légères" au budget.  Elles sont faites en faveur des pauvres et des familles de la classe moyenne :  1) désormais les prestations d’aide sociale seront indexées automatiquement chaque année; 2) les pénalités pour partage de logement entre assistés sociaux sont abolies; 3) l’impôt de 780 000 familles est réduit de 222 $ en moyenne.  Dans le secteur économique, 118 millions $ seront affectés au développement des biotechnologies et 8 millions $ additionnels seront consacrés à la relance de l’économie de la Gaspésie.  Mesures modestes certes, mais le budget reste équilibré et, conséquemment, la dette n’augmentera pas.

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***** UN CONSEIL DES MINISTRES RENOUVELÉ

Le 30 janvier 2002, le Premier ministre Bernard Landry a procédé à un important remaniement du conseil des ministres qui compte maintenant 32 ministres et quatre secrétaires d’État.

On a d’abord remarqué quelques départs notoires.  En effet, les vétérans Louise Harel, Jacques Léonard, David Cliche, Guy Chevrette et Jacques Brassard ne font plus partie du cabinet.  Ces deux derniers, froissés de ne pas se voir offrir des responsabilités importantes, ont démissionné de l’Assemblée nationale.

Quant à Louise Harel, on la destinait à la présidence de l’Assemblée nationale.  Le 12 mars dernier, à l’ouverture de la session de 2002, elle devenait la première femme à être élue à ce poste clef des institutions démocratiques du Québec.

Parmi les nouveaux ministres, David Levine, qui ne siège pas à l’Assemblée nationale, a volé la vedette.  Administrateur d’hôpital de grande réputation, il a été nommé ministre délégué à la santé.  Et comme le veut le régime parlementaire en vigueur au Québec, il devra se faire élire à l’Assemblée nationale au cours des prochains mois.

…suivi d’une démission…

À peine deux semaines après avoir été nommé, Gilles Baril, ministre d’État aux Ressources naturelles et aux Régions, démissionnait de son poste de ministre.  Dans l’ancien cabinet, il était ministre des Régions, de l’Industrie et du Commerce, des Loisirs et des Sports.  L’opposition officielle ayant soulevé le doute sur l’indépendance du ministre à l’égard d’un lobbyiste avec lequel il avait voyagé durant les vacances de Noël, Gilles Baril a jugé bon de démissionner de son poste de ministre même si aucune règle ni aucune loi n’avait été violée.  C’est ainsi que trois ministres déjà membres du Conseil des ministres se sont vus confier des tâches additionnelles :  François Gendron est devenu ministre des Ressources naturelles, Rémy Trudel ajoute à sa tâche celle de ministre responsable des Régions et du Nord québécois, et Michel Létourneau ajoute à la sienne celle de ministre délégué aux Affaires autochtones.

…et d’une loi sur le lobbying

Le 12 février, le Premier ministre Landry annonçait son intention de présenter prochainement un projet de loi afin d’encadrer l’activité de lobbying et de prévenir toute apparence de conflit d’intérêts.  De fait, le 17 avril, le ministre de la Justice Paul Bégin a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi en question.  Cette loi fait obligation aux lobbyistes de divulguer leurs activités et elle impose un code de déontologie dont l’application relèvera du commissaire au lobbying nommé par l’Assemblée nationale.

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***** LE CONSEIL DES MINISTRES

Le Premier ministre Bernard Landry a procédé, le 30 janvier 2002, à un important remaniement du Conseil des ministres qui compte maintenant 32 ministres et quatre secrétaires d’État.

Pauline Marois, vice-première ministre, ministre d’État à l’Économie et aux Finances, ministre des Finances, ministre de l’Industrie et du Commere et ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie.
Lucie Papineau, ministre déléguée à l’Industrie et au Commerce.
Solange Charest, secrétaire d’État à la Recherche, à la Science et à la Technologie.
François Legault, ministre d’État à la Santé et aux Services sociaux et ministre de la Santé et des Services sociaux.
David Levine, ministre délégué à la Santé.
Roger Bertrand, ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux, à la Protection de la jeunesse et à la Prévention.
Sylvain Simard, ministre d’État à l’Éducation et à l’Emploi, ministre de l’Éducation et ministre responsable de l’Emploi.
Agnès Maltais, ministre déléguée à l’Emploi.
Linda Goupil, ministre d’État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l’Enfance, ministre de la Solidarité sociale, ministre de la Famille et de l’Enfance, ministre responsable de la Condition féminine et ministre responsable des Aînés.
Nicole Léger, ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
Jocelyne Caron, secrétaire d’État à la Condition féminine. 
Rémy Trudel, ministre d’État à la Population et aux Affaires autochtones, ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, ministre délégué aux Affaires autochtones et responsable de la Politique de la natalité.
André Boulerice, ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l’Immigration.
Gilles Baril, ministre d’État aux Ressources naturelles et aux Régions, ministre des Ressources naturelles, ministre des Régions, ministre responsable du Développement du Nord québécois.
Rita Dionne-Marsolais, ministre déléguée à l’Énergie.
François Gendron, ministre délégué à la Gestion de la forêt et à la Ruralité.
Michel Létourneau, ministre délégué au Développement du Nord québécois.
André Boisclair, ministre d’État aux Affaires municipales et à la Métropole, à l’Environnement et à l’Eau, ministre des Affaires municipales et de la Métropole, ministre de l’Environnement et leader parlementaire du gouvernement.
Jean-François Simard, ministre délégué à l’Environnement et à l’Eau.
Jacques Côté, ministre délégué à l’Habitation.
Claude Boucher, secrétaire d’État aux Infrastructures.
Joseph Facal, ministre d’État à l’Administration et à la Fonction publique, ministre responsable de l’Administration et de la Fonction publique et président du Conseil du trésor.
Stéphane Bédard, secrétaire d’État au Renouvellement de la fonction publique.
Louise Beaudoin, ministre d’État aux Relations internationales, ministre des Relations internationales, ministre responsable de la Francophonie, ministre responsable de l’Observatoire de la mondialisation.
Dianne Lemieux, ministre d’État à la Culture et aux Communications, ministre de la Culture et des Communications, ministre responsable de la Charte de la langue française, ministre responsable de l’Autoroute de l’information.
Jean Rochon, ministre d’État aux Ressources humaines et au Travail et ministre du Travail.
Serge Ménard, ministre des Transports.
Jacques Baril, ministre délégué aux Transports et à la politique maritime.
Paul Bégin, ministre de la Justice et Procureur général.
Normand Jutras, ministre de la Sécurité publique.
Maxime Arseneau, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation.
Jean-Pierre Charbonneau, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales, ministre responsable des Relations avec les communautés francophones et acadiennes, ministre responsable de la Réforme électorale et ministre responsable de la Réforme parlementaire.
Guy Julien, ministre du Revenu.
Richard Legendre, ministre responsable de la Jeunesse, du Tourisme, du Loisir et du Sport et ministre responsable de la Faune et des Parcs.
Rosaire Bertrand, ministre délégué responsable de la région de la Capitale Nationale.
Michel Morin, whip du gouvernement.
Serge Geoffrion, président du caucus des députés.

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***** CONSTITUTION CANADIENNE :  20e ANNIVERSAIRE DE SON RAPATRIEMENT

Le 17 avril 1982, la reine Élisabeth II proclamait à Ottawa la nouvelle constitution canadienne.  Celle-ci avait été adoptée quelques jours plus tôt par le Parlement canadien, à l’initiative du Premier ministre Pierre-Elliott Trudeau.  La constitution précédemment en vigueur était une loi du Parlement britannique et tout amendement souhaité par le Canada devait être adopté par Londres.  Par sa Loi sur le Canada du 29 mars 1982, le Parlement britannique mit un terme à cette situation, vestige anachronique de l’ère coloniale.

Le rapatriement de la constitution canadienne était le résultat d’une entente politique remontant à novembre 1981 entre le gouvernement fédéral et les provinces, à l’exclusion du Québec.  La nouvelle constitution fut adoptée en dépit de l’opposition du gouvernement du Québec, de l’Assemblée nationale et de toute la société civile québécoise, et tous les gouvernements qui se sont succédés à Québec depuis vingt ans ont toujours refusé d’y adhérer.  C’est que la loi constitutionnelle canadienne, notamment par la Charte des droits et libertés et la formule d’amendement qui en font partie, a eu pour le Québec les répercussions négatives que l’ont appréhendait au moment de son adoption.

La Charte des droits et libertés accorde la priorité aux droits individuels sur les droits collectifs et confère aux tribunaux, à la Cour suprême du Canada en particulier, des prérogatives qui restreignent la capacité législative des provinces.  On observe donc au Canada, comme dans plusieurs autres pays, un pouvoir grandissant des magistrats au détriment des parlementaires.   Les décisions de la Cour suprême ont eu des effets particulièrement dévastateurs sur la législation linguistique du Québec, en soumettant les dispositions de cette dernière au principe supérieur du bilinguisme canadien.  Des particuliers et des groupes d’intérêts ont pu obtenir de la sorte l’annulation de pans entiers de la loi québécoise de 1977 sur l’usage du français (Charte de la langue française).

Ainsi, les articles qui faisaient du français la langue de la législation au Québec ont été récusés et l’obligation d’adopter une version anglaise des lois et règlements a été restaurée.  De même, la section de la loi québécoise qui faisait du français la langue de la justice a dû être amendée pour remettre l’anglais sur le même pied que le français dans les cours de justice.  En matière scolaire, les règles qui régissaient l’accès à l’école anglaise ont dû être élargies pour en permettre l'accès à tout enfant dont les parents ont reçu leur éducation en anglais, quel qu’en soit le lieu au Canada.  Quant au chapitre qui prescrivait le français comme seule langue d’affichage commercial, il a été annulé et aujourd’hui l’affichage anglais est légal partout au Québec pourvu que soit respectée la priorité du français.  Entre temps, l’égalité linguistique dans l’ensemble du Canada, pourtant inscrite dans la constitution de 1982, est très loin d’être réalisée.

Pour sa part, la procédure de modification de la constitution a pour conséquence d’assurer dans les faits la pérennité de l’arrangement de 1982 en rendant très difficile, voire impossible, tout renouvellement du régime fédéral.  Deux tentatives entreprises en 1990 (Accord du Lac Meech) et en 1992 (Accord de Charlottetown) ont connu des échecs retentissants.  La procédure comporte en effet cinq modalités dont la principale stipule que tout projet d’amendement doit obtenir, outre le consentement du Parlement canadien, l’accord de sept provinces (sur dix) représentant 50 % au moins de toute la population canadienne.  Cette disposition fait en sorte que la constitution pourrait être modifiée sans le consentement du Québec, mais que ce dernier ne peut espérer obtenir des changements allant dans le sens de la reconnaissance de sa spécificité au sein de la fédération canadienne.

Le rapatriement de la constitution canadienne demeure, vingt ans plus tard, une réforme inachevée et insuffisante, de sorte qu'aucun acteur politique québécois n’entrevoit le jour où le Québec pourrait y adhérer.  Pour marquer l’anniversaire de ce rendez-vous manqué avec l’histoire, les 106 députés présents à l’Assemblée nationale le 17 avril 2002 ont adopté à l’unanimité une motion rappelant que le Québec s’était opposé en 1982 au rapatriement unilatéral de la constitution, que celle-ci a eu des effets pernicieux sur les droits et les pouvoirs du Québec et qu’elle demeure, aujourd’hui encore, inacceptable pour la société québécoise.

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***** ÉLECTIONS PARTIELLES

Le 15 avril 2002, des élections ont eu lieu dans trois circonscriptions électorales du Québec :  Saguenay, Anjou et Viger.  Le Parti libéral du Québec (PLQ) a conservé les deux comtés qu’il détenait déjà, Anjou et Viger.  Mais la circonscription de Saguenay détenue par le Parti Québécois (PQ) a été remportée par François Corriveau de l’Action démocratique du Québec (ADQ).  C’est là une grande victoire pour Mario Dumont, chef de l’ADQ, qui était le seul élu de son parti depuis sa fondation en 1994.  Du coup, l’ADQ double sa représentation à l’Assemblée nationale et augmente de beaucoup ses espoirs pour la prochaine élection générale qui, sans doute, aura lieu d’ici un an.