QUÉBEC Info
PRINTEMPS-ÉTÉ 2003
Politique Économie Education International Société Culture ****LE PLQ PORTÉ AU POUVOIR
Le 14 avril 2003, les Québécois sont allés aux urnes. Ils ont porté au pouvoir le Parti libéral du Québec (PLQ) de façon décisive, lui accordant 76 des 125 sièges de l’Assemblée nationale et 46 % des voix exprimées. Le chef du PLQ, Jean Charest, est devenu premier ministre du Québec le 29 avril 2003 et il a présenté, le jour même, son Conseil des ministres qui en compte 25.
Le Parti québécois (PQ), au pouvoir depuis septembre 1994, a fait élire 45 députés et obtenu 33 % des voix. Il formera l’opposition officielle qui sera dirigée par le premier ministre précédent, Bernard Landry. Un tiers parti, l’Action démocratique du Québec (ADQ), a obtenu 18 % du vote populaire, mais n’a fait élire que quatre de ses candidats, dont son chef, Mario Dumont.
Dans le système parlementaire en vigueur au Québec, le parti qui, lors d’une élection générale, fait élire le plus grand nombre de députés est porté au pouvoir pour une durée maximale de cinq ans. C’est le privilège du premier ministre de décider quand, à l’intérieur de ce mandat de cinq ans, auront lieu les prochaines élections.
Le Parti québécois avait été élu pour un premier mandat le 12 septembre 1994 et pour un second le 30 novembre 1998. Il avait, durant cette période, connu trois chefs tour à tour premiers ministres. Jacques Parizeau était devenu premier ministre le 26 septembre 1994; Lucien Bouchard lui avait succédé le 19 janvier 1996; Bernard Landry avait été assermenté le 8 mars 2001. C’est donc ce dernier, Bernard Landry, qui annonçait, le 12 mars 2003, la tenue des élections le 14 avril, lançant ainsi la campagne électorale officielle.
La pré-campagne
Dans les faits, les trois principaux partis étaient bel et bien en mode pré-électoral depuis de nombreux mois. Le gouvernement de Bernard Landry était entré dans la dernière année de son mandat le 30 novembre 2002; des élections pouvaient être déclenchées à tout moment. L’Action démocratique du Québec avait remporté, en juin 2002, trois des quatre élections partielles et obtenu 45 % des voix, ce qui lui permettait d’espérer obtenir le pouvoir. Enfin, le Parti libéral du Québec et son chef Jean Charest se préparaient depuis quatre ans à ces élections; ils avaient même rendu public, dès septembre 2002, leur programme électoral ainsi que le " périmètre budgétaire " qui le sous-tendait; c’était sans doute la première fois dans l’histoire électorale du Québec qu’un parti dévoilait ainsi son programme sans savoir à quel moment les élections auraient lieu.
Pendant tout ce temps, les sondages alimentaient les spéculations sur la date et l’issue des prochaines élections générales. En février 2002, le PLQ était en tête; en septembre 2002, c’est l’ADQ qui menait avec 40 % des intentions de vote; en février 2003, le PQ retrouvait la faveur populaire, devançant le PLQ et reléguant l’ADQ en troisième position.
La campagne électorale
L’annonce des élections le 12 mars dernier devança de peu la guerre en Irak; cette dernière occupa la une des médias durant la première moitié de la campagne électorale Comme l’écrivait le politicologue Réjean Pelletier dans Le Soleil du 3 avril, "Les médias ont rapporté davantage les bruits des batailles quotidiennes en Irak que les échos de la bataille électorale au Québec". Et l’on sait à quel point, aujourd’hui, une campagne électorale se joue surtout dans les médias (journaux, radio, télévision) et se concentre sur les chefs des partis.
À mi-campagne, c’est précisément un événement médiatique qui ramena la lutte électorale au centre de l’actualité : le 31 mars, le débat des chefs était présenté sur trois réseaux de télévision, deux heures d’échanges où s’affrontaient Bernard Landry, Jean Charest et Mario Dumont. Dans l’ensemble, le contenu du débat a été substantiel. Bernard Landry et Jean Charest ont dominé et c’est finalement Jean Charest, plus agressif, qui l’a emporté. Les troupes libérales s’en sont trouvées stimulées et la deuxième partie de la campagne verra le PLQ prendre de l’avance. Dans les jours précédant l’élection, les sondages accordaient 45 % ou plus au PLQ, environ 33 % au PQ et 17 ou 18 % à l’ADQ; tels ont été, à peu de choses près, les résultats de l’élection du 14 avril.
Que s’est-il passé?
Ces résultats peuvent surprendre. Qu’en disent les analystes? La situation économique du Québec n’a jamais été aussi bonne; le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis des lustres et le produit intérieur brut per capita n’a jamais été aussi élevé. Depuis plus d’un an les sondages révélaient un taux élevé de satisfaction à l’égard du gouvernement et c’est au chef du PQ, Bernard Landry, que le public faisait le plus confiance pour diriger le Québec.
Mais il y a l’usure du pouvoir. Le PQ était aux commandes de l’État depuis neuf ans. Le redressement des finances publiques qu’il avait entrepris avec vigueur - et succès - n’avait pas fait que des heureux et avait comporté quelques maladresses, notamment des mises à la retraite massives dont les conséquences se font encore sentir, surtout dans le secteur de la santé. La santé, justement, soulevait bien des inquiétudes en raison de l’incapacité chronique du système à réduire les trop longues listes d’attente pour certaines opérations chirurgicales et à résoudre le débordement des salles d’urgence dans plusieurs hôpitaux. De plus, la rationalisation des agglomérations urbaines (fusion de municipalités) a fait bien des mécontents. Mais par dessus tout, les gens aspiraient au changement; ils souhaitaient voir de nouvelles figures aux commandes de l’État, comme le montre la faveur passagère mais réelle dont a joui l’ADQ.
Il y a aussi le fait que le chef du PLQ, Jean Charest, a travaillé sans relâche depuis quatre ans à préparer cette élection victorieuse. Il a parcouru avec application toutes les régions du Québec, il a refondu le programme du PLQ ; durant la campagne, il a concentré ses attaques sur les questions relatives à la santé et aux fusions municipales ; il a su réunir par ailleurs une solide équipe de candidats et se doter d’une organisation efficace, capable de " faire sortir le vote " le jour des élections.
L’analyse des résultats révèle un très faible taux de participation des électeurs : 70 %; il faut remonter à 1927 pour observer un taux plus faible (56 %). Mais le PLQ n’en a pas souffert; il a maintenu, à 17 000 voix près, son score de 1998, soit une perte d’à peine 1 %. L’ADQ a augmenté ses gains, obtenant 216 000 voix de plus qu’en 1998, une variation de 31 %. Le Parti québécois a obtenu 475 000 votes de moins qu’en 1998, soit une diminution de 37 %. Le politicologue Réjean Pelletier fait remarquer que, depuis 1976, il semble s’être établi " une relation entre une faible participation électorale et une victoire libérale " (Le Soleil, 16 avril 2003).
S’il veut tenir ses principales promesses, le nouveau gouvernement doit maintenir des budgets équilibrés, c’est-à-dire éviter tout déficit, investir massivement en santé (6 MM $) afin de régler le problème des listes d’attente en chirurgie et celui des salles d’urgence, augmenter les budgets en éducation (2 MM $) et diminuer les impôts de 5 milliards de dollars en cinq ans. La question de la révision du mode de scrutin, en vue d’y intégrer un élément de proportionnelle, va par ailleurs se poser.(Voir l’article " Le scrutin uninominal en question ".) Enfin, le premier ministre Jean Charest s’est engagé à permettre aux villes récemment fusionnées (le premier janvier 2002 pour la plupart) de tenir un référendum et de se " dé-fusionner " si elles le désirent. Autant de défis que le premier ministre et son gouvernement auront à relever.
****LE SCRUTIN UNINOMINAL EN QUESTION
Depuis 1861, le Québec pratique le scrutin uninominal à un tour; c’est le mode de scrutin le plus répandu dans le monde anglo-saxon. Ce mode de scrutin présente des inconvénients. Il a souvent pour effet d’augmenter la représentation du parti qui obtient la majorité des voix et de diminuer celle du parti qui forme l’opposition; plus rarement, il peut empêcher le parti qui obtient le plus de voix de former le gouvernement parce qu’il n’a gagné qu’une minorité des sièges. Pour leur part, les tiers partis y sont presque toujours défavorisés; ainsi, aux élections du 14 avril, l’Action démocratique du Québec a obtenu 18 % des voix mais n’a fait élire que 3 % des députés. En contrepartie, ce scrutin présente l’avantage de favoriser la mise en place d’un gouvernement stable; il réduit l’éparpillement des voix entre les petits partis et permet plus rarement l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement minoritaire.
Des tentatives pour réformer le mode de scrutin ont eu lieu à quelques reprises depuis 1970, mais elles n’ont pas abouti. Il semble pourtant qu’un système mixte, combinant le mode uninominal à un tour et la proportionnelle, rallierait la majorité des Québécois.
À l’été 2002, le ministre responsable de la réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau, lançait à nouveau le débat et annonçait que des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques auraient lieu en février 2003. Pour préparer ces États généraux, il nommait un Comité directeur chargé de mener, au cours de l’automne 2002, une vaste consultation; composé de 26 citoyens provenant des 17 régions administratives du Québec et de membres des partis politiques, ce comité était présidé par Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins; c’est lui aussi qui présida les États généraux tenus à Québec, les 22 et 23 février 2003.
Les recommandations des États généraux portent sur bien d’autres sujets que le mode de scrutin, par exemple la tenue d’élections à date fixe; il reste que c’est la recommandation relative au mode de scrutin qui a surtout retenu l’attention. Les États généraux préconisent un système mixte selon lequel la majorité des députés seraient élus au scrutin uninominal à un tour tandis qu’un certain nombre d’autres députés le seraient selon le pourcentage des voix obtenu par leur parti.
Quel sort sera réservé à cette initiative du gouvernement du Parti québécois? Il est vrai que tous les partis ont reconnu le mérite de tempérer le scrutin uninominal par une certaine dose de proportionnelle. Dans une entrevue au journal Le Soleil du le 29 avril 2003, le directeur général des élections, Marcel Blanchet, invitait le gouvernement à aller de l’avant avec la réforme du mode de scrutin. Mais il s’agit là d’une réforme majeure qu’un parti au pouvoir est souvent réticent à entreprendre, une réforme qui, pour être réussie, exige un large consensus et pourrait requérir un référendum.
****LE CONSEIL DES MINISTRES
Sitôt élu, Jean Charest s’est mis à l’œuvre et a présenté son Conseil des ministres le 29 avril 2003; celui-ci compte 25 membres. Ce nombre contraste avec celui du gouvernement de Bernard Landry, qui comptait 36 ministres. Jean Charest revient ainsi à la taille habituelle d’un Conseil des ministres telle qu’on la connaît au Québec depuis 1966, soit de 21 à 28 membres.
Jean Charest, premier ministre, ministre responsable des dossiers jeunesse
Monique Gagnon-Tremblay, vice-première ministre, ministre des Relations internationales et de la Francophonie
Monique Jérôme-Forget, présidente du Conseil du trésor, ministre de l’Administration gouvernementale
Yves Séguin, ministre des Finances
Philippe Couillard, ministre de la Santé et des Services sociaux
Pierre Reid, ministre de l’Éducation
Michel Audet, ministre du Développement économique et régional
Jean-Marc Fournier, ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir
Marc Bellemare, ministre de la Justice, Procureur général
Jacques Chagnon, ministre de la Sécurité publique
Yvon Marcoux, ministre des Transports
Claude Béchard, ministre de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille
Line Beauchamp, ministre de la Culture et des Communications
Thomas Mulcair, ministre de l’Environnement et leader parlementaire du gouvernement
Sam Hamad, ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs
Françoise Gauthier, ministre de l’Agriculture, des Pêches et de l’Alimentation
Michelle Courchesne, ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration
Michel Després, ministre du Travail
Lawrence Bergman, ministre du Revenu
Benoît Pelletier, ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes et des Affaires autochtones
Jacques Dupuis, ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques
Nathalie Normandeau, ministre du Développement régional et du Tourisme
Julie Boulet, ministre déléguée à la Santé et aux Aînés
Carole Théberge, ministre déléguée à la Famille
Pierre Corbeil, ministre délégué aux Forêts, à la Faune et aux Parcs