QUÉBEC Info

PRINTEMPS-ÉTÉ 2004

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SOCIÉTÉ

****RESTRUCTURATION EN SANTÉ

L’année 2004 sera marquée par une profonde restructuration du réseau de la santé.  Déjà, les Régies régionales de la santé sont choses du passé, remplacées par les Agences de développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux.  Le nouveau plan de réorganisation prévoit la mise en réseau et le regroupement des institutions hospitalières, des centres locaux de services communautaires (CSLC) et des centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD).

La mise en vigueur des lois adoptées à la clôture des travaux parlementaires, en décembre 2003, donnera lieu, se son côté, à un grand bouleversement dans les accréditations syndicales : le gouvernement obligera les différentes instances représentant les infirmières et les travailleurs de la santé à se regrouper en quelques unités accréditées qui seront seules autorisées à négocier au nom de leurs membres.  Cette révolution dans le monde syndical québécois suscite beaucoup de résistance.  Des jours difficiles s’annoncent donc dans les négociations pour le renouvellement des conventions collectives de travail.

Par ailleurs, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, a réussi à conclure deux ententes d’importance stratégique avec les fédérations de médecins sur la répartition des omnipraticiens et des spécialistes.  L’entente signée avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) prévoit l’attribution de primes aux médecins qui accepteront de pratiquer dans les régions éloignées ou intermédiaires.  Le plan d’effectifs en médecine générale établit que le Québec manque de 759 généralistes.  Les incitatifs financiers prévus hausseront de 20 à 30 % la rémunération des médecins.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), qui était à couteaux tirés avec le gouvernement précédent, a également signé une entente avec le nouveau ministre de la Santé afin de favoriser l’établissement de jeunes spécialistes dans les régions.  Actuellement, quatre jeunes spécialistes sur cinq s’installent dans les grands centres dès le début de leur carrière.  Le nouveau plan prévoit que 67 % des finissants en psychiatrie s’installeront dans les  régions alors qu’il n’y en avait que 22 % l’an dernier ; en anesthésiologie le taux passera de 19 % à 56 % ; il atteindra 49 % en hématologie, 60 % en cardiologie et 56 % en urologie.  Ces mesures devraient apporter une nette amélioration des services médicaux dans les régions du Québec.


****ASSURANCE-EMPLOI : QUÉBEC AVAIT RAISON

Le gouvernement fédéral outrepasse ses compétences en utilisant la loi sur l’assurance-chômage, maintenant appelée assurance-emploi, pour intervenir dans les mesures de bien-être social qui relèvent de la juridiction exclusive du Québec, tel est en substance le sens du jugement unanime rendu par la Cour d’appel du Québec dans le litige qui oppose le gouvernement du Québec à celui du Canada.

Rappelons les faits.  En 1935 déjà, une décision de la Cour suprême du Canada avait empêché le gouvernement fédéral d’intervenir dans le champ de l’aide aux chômeurs, la Constitution du Canada réservant aux provinces, et de façon exclusive, tout le domaine social.  Ottawa avait alors demandé aux provinces l’autorisation d’aider les chômeurs et l’avait obtenue, à condition de se limiter strictement aux chômeurs.  En 1971, le gouvernement fédéral a mis en place un congé de maternité de 15 semaines.  Ce programme a été radicalement modifié le 1er janvier 2001.  Désormais, les nouveaux parents qui sont des travailleurs salariés cotisant à la caisse d’assurance-emploi peuvent bénéficier d’un congé de 50 semaines en touchant 55 % de leur salaire qui leur sera versé par la caisse.  Le gouvernement québécois a toujours soutenu que ce nouveau régime était en fait une mesure de bien-être social et qu’il empiétait sur ses propres compétences législatives.

En 1996, le Québec a voulu instituer son propre programme de congés parentaux, plus généreux et plus large que le régime fédéral.  Les parents québécois auraient le choix entre un congé de 40 semaines avec 75 % de leur salaire ou un congé de 25 semaines à 70 % et 25 autres semaines à 55 %.  Il faut noter que les travailleurs autonomes, exclus du régime fédéral, sont admissibles au programme québécois, qui comprend par ailleurs un congé de paternité.

Le gouvernement québécois de l’époque a entrepris des négociations avec le fédéral pour obtenir le versement des cotisations payées par les travailleurs québécois à la caisse d’assurance-emploi au titre du régime de congés parentaux.  Mais le fédéral veut limiter son transfert de fonds au montant équivalent à ce qui est effectivement versé en indemnités aux parents et garder le surplus des cotisations provenant des travailleurs québécois.  Un an après le début des pourparlers, les négociations ont été rompues, 

En 2002, le gouvernement du Québec a opté pour la voie judiciaire en soumettant la cause à la Cour d’appel du Québec afin d’établir clairement sa juridiction exclusive en matière de bien-être social et de rappeler à l’ordre le gouvernement fédéral.  Les trois juges de la Cour d’appel ont donné raison au Québec.  Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, se réjouit de ce " jugement d’une très grande portée, puisqu’on y affirme que la compétence fédérale en matière d’assurance-chômage ne doit pas s’étendre dans le champ de la politique sociale.  C’est un jugement qui reconnaît d’emblée que la politique sociale est de la compétence du Québec. "

Pour sa part le ministre fédéral responsable du programme d’assurance-emploi, Joseph Volpe, a accueilli froidement le jugement unanime de la Cour d’appel et continue de faire la sourde oreille aux demandes québécoises ; il a d’ailleurs soumis la question à la Cour suprême du Canada.  Les négociations entre Ottawa et Québec ont néanmoins repris, en dépit du fait que la décision ait été portée en appel.

À la mi-mai, on assiste à un revirement surprenant.  Une entente de principe aurait été conclue entre Québec et Ottawa pour régler ce litige.  Le contenu de l’entente de principe n’est pas rendu public, mais le ministre québécois de la Famille a révélé qu’elle doit conduire à une entente définitive au début de 2005 et entrer en vigueur le 1er janvier 2006.  Des élections fédérales auront lieu bientôt ; c’est, de l’avis de tous, l’élément qui a fait débloquer ce dossier.


****HELLS ANGELS : COUPABLES

Le mégaprocès des Hells Angels a pris fin le 2 mars par une décision unanime du jury après 12 jours de délibérations ; les neuf motards criminalisés sont tous reconnus coupables.

On se souvient qu’un premier procès s’était terminé sur un coup d’éclat : le juge Jean-Guy Boilard, qui présidait aux assises, avait remis sa démission en raison d’un différend avec les avocats au dossier.  En juillet 2002, le juge Pierre Béliveau ordonnait la reprise pure et simple du procès.  Le jury constitué le 4 février 2003 était composé de huit hommes et de quatre femmes.  Il a siégé durant 130 jours et ses membres ont dû rester à la disposition de la cour 102 jours de plus pour permettre au juge d’élucider, hors leur présence, des points de droit soulevés par les avocats.

Ce mégaprocès faisait suite à une opération policière baptisée du nom de code Printemps 2001.  Elle avait conduit à l’arrestation de presque tous les membres des Nomads et des Rockers, clubs affiliés aux Hells Angels.  Cette rafle a permis de traduire en justice 42 coaccusés ; 18 d’entre eux ont reconnu leur culpabilité à des accusations de trafic de drogue, de complot pour meurtre et de gangstérisme. Neuf ont été jugés dans un même procès qui vient de prendre fin.  Huit des accusés ont été reconnus coupables de trafic de drogue, de complot pour meurtre et de gangstérisme.  Un seul échappe à la condamnation pour complot mais est reconnu coupable des deux autres chefs d’accusation.  D’autres motards ont subi des procès distincts.

Une preuve solide

Les procureurs du ministère public avaient accumulé une preuve accablante.  Ils ont appelé à la barre 146 témoins, dont un agent source qui avait infiltré les Rockers, et quatre délateurs.  Le jury a pris connaissance des nombreuses heures d’écoute électronique, d’observations et de filatures enregistrées tout au long des trois années de l’enquête policière.  Il a pu visionner les enregistrements vidéo des réunions de planification des Rockers portant sur leur guerre aux Bandidos, le trafic de stupéfiants et l’acquisition d’armes.  L’ensemble de la preuve a démontré à l’évidence que les Hells, leur escouade d’élite des Nomads et leur filiale des Rockers ont conspiré pour contrôler la vente de drogue à Montréal, en recourant au besoin au meurtre.

De nombreux observateurs se montraient sceptiques sur l’issue de ce mégaprocès et craignaient que les motards s’en tirent à bon compte ; la décision du jury a donc été reçue avec soulagement.  Les criminels ont écopé de peines de pénitencier allant de 10 à 22 ans.  Leurs démêlés avec la justice ne sont pas terminés pour autant puisqu’ils font face maintenant à des accusations de meurtre qui pourraient leur valoir des peines plus sévères encore.

Les Hells anglophones aussi

Les procès des membres francophones des Hells ayant été menés à terme, c’est maintenant aux motards anglophones de comparaître en justice.  Le procès a été instruit le 2 mars dernier devant un juge seul ; il n’y aura donc pas de jury à ces assises.  Le juge Jerry Zigman entendra la preuve accumulée par l’enquête policière Printemps 2001 contre deux Hells Angels accusés conjointement de complot pour meurtre, de trafic de stupéfiants, de complot en vue de trafic de drogue et surtout de gangstérisme.  L’un des deux motards est en outre accusé de meurtres et de tentatives de meurtre.

Les rafles continuent

Plusieurs motards ont été traduits en justice et condamnés, mais les rafles policières au sein des gangs motorisés se poursuivent sans relâche.  Le 26 février, une escouade de 400 policiers a procédé à l’arrestation de 40 membres des Hells et des Evil Ones, sur la rive sud de Montréal ; 23 autres sont recherchés activement.  Ils seront accusés de trafic de drogue et de gangstérisme.  Ces arrestations ont couronné une longue enquête entreprise dans la foulée de l’opération Printemps 2001.  Les policiers ont effectué 29 perquisitions dans autant de domiciles et de commerces de la région de Montréal.


****KANESATAKE

Les tensions au sein de la communauté amérindienne de Kanesatake ont été vives au cours des quatre premiers mois de 2004.  Cette communauté compte un peu moins de 2 000 âmes; elle est située au nord de Montréal, à la rencontre de la rivière Outaouais et du lac des Deux-Montagnes.

Le chef de police, Tracy Cross, soupçonné de laxisme à l’égard des trafiquants qui font la contrebande de cigarettes, d’armes et de drogue, a été renvoyé par le Grand Chef James Gabriel.  Le 12 janvier, les opposants à ce congédiement ont séquestré pendant 24 heures plus de 60 policiers qui venaient pour la plupart d’autres villages autochtones du Québec.  Les contestataires ont brûlé la maison de James Gabriel, qui depuis lors vit " en exil " en dehors du village ; ils ont également bloqué la route menant à la réserve.  Le 12 avril, les mêmes personnes ont mis à sac et vidé le poste de police de tout son équipement, " pour le protéger et le mettre en lieu sûr " ont-ils affirmé.

Face à ces incidents, la classe politique et les forces policières ont joué de prudence.  Les réactions officielles se sont fait attendre et plus encore les interventions.  Le gouvernement du Québec a semblé temporiser et laisser au temps le soin d’arranger les choses.  Il a d’abord pris ses distances vis-à-vis le Grand Chef, élu en 1996 et réélu deux fois depuis, et même à l’égard du chef de police Terry Isaac qui demandait l’aide de l’escouade anti-émeute de la Sûreté du Québec.  Le 19 janvier, on annonçait la création de deux escouades régionales mixtes (ERM) afin de lutter contre le crime organisé sur la Rive-Nord du Saint-Laurent et à Kanesatake.  De son côté, le gouvernement fédéral, qui a au Canada la responsabilité première des Amérindiens, est resté très loin du conflit ; pourtant une entente secrète entre un ministre fédéral et James Gabriel avait été à l’origine des incidents.  Les porte-parole officiels du ministre fédéral se sont contentés d’affirmer qu’il suivait la situation de près.  L’identité des émeutiers a été révélée le 14 avril seulement, trois mois après les premiers incidents ; ils se sont présentés au palais de justice de Saint-Jérôme début mai.  Pour l’heure, les incendiaires de la maison de James Gabriel n’ont toujours pas été mis en accusation ; ils n’ont même pas été identifiés officiellement.

La réserve de Kanesatake est pratiquement dépourvue de force policière depuis quatre mois.  Le chef de police nouvellement nommé, Ed Thompson, est basé à l’extérieur du territoire et les patrouilles sont faites à partir du village voisin d’Oka.  Les policiers Mohawk des réserves voisines appelés à maintenir l’ordre à Kanesatake ont dû attendre plusieurs semaines avant de prêter le serment qu’exige leur nouvelle fonction.  Des négociations pour assurer la collaboration entre la police amérindienne, la Sûreté du Québec et la Gendarmerie fédérale ont rencontré de nombreuses difficultés, si bien que les patrouilles communes se font toujours attendre.


****LA BAIE DES CHALEURS

Après trois années passées à faire reconnaître la beauté de la Baie des Chaleurs, en Gaspésie, le promoteur de Pointe-à-la-Croix, Gilles Soucy, et l’hôtelier de Carleton, Richard Gingras, viennent de récolter les fruits de leur labeur : depuis le 8 mars 2004, la Baie des Chaleurs est officiellement membre du Club des plus belles baies du monde.  Elle devient ainsi le 31e membre de ce club fondé en 1997 après le Salon international du tourisme de Berlin.  C’est la baie d’Along, au Viêt Nam, qui aurait été à l’origine de la création de ce club.

Au Québec, la première baie à se qualifier a été celle de Tadoussac où a eu lieu, en mai 2003, le congrès mondial du Club des plus belles baies du monde.  En novembre 2003, le comité de sélection réuni à Paris a reçu la délégation gaspésienne pour l’examen du dossier de candidature.  La décision officielle a été révélée le 8 mars dernier au cours d’une cérémonie au Parc national de la Restigouche, site de la dernière bataille navale française pour la défense de la Nouvelle-France, en 1760.  Cette reconnaissance tient compte à la fois à la beauté naturelle du site et de sa signification historique, auxquelles s’ajoute son intérêt anthropologique et géologique.  En effet, les promoteurs gaspésiens avaient reçu l’appui des communautés amérindiennes de Gesgapegiag et de Listuguj, en Gaspésie, et d’Eel River Bar, au Nouveau-Brunswick.  De plus, le parc de Miguasha à Nouvelle, sur la baie des Chaleurs, a été déclaré site du Patrimoine mondial de l’UNESCO, en 1999 ; il a la particularité d’être un site riche en fossiles remontant à plus de 365 millions d’années.


****DÉCÈS SUR LES ROUTES

Le nombre de décès causés par des conducteurs aux facultés affaiblies par l’alcool a beaucoup diminué au cours des dernières années.  La Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) a révélé qu’entre les quatre années 1994-1997 et les quatre années 1998-2001, la baisse des décès a été de 24 % environ : 630 décès au cours de la  première période et 480 au cours de la seconde.  En ce qui concerne le nombre de blessés graves, il a diminué lui aussi, passant au cours des mêmes périodes de 3 328 à 2 778, soit une amélioration de l’ordre de 17 %.  Les mesures plus sévères adoptées en 1998 et les campagnes de publicité réalisées depuis ont donc porté fruit.  La porte-parole de la SAAQ, Martine Désilets, a fourni ces chiffres au congrès de l’Association québécoise du transport et des routes, début avril, et concluait : " ces résultats (…) permettent de croire (…) que l’ensemble des mesures visant à contrer la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool ont eu un impact significatif …".  L’objectif de la loi instituant des mesures plus sévères contre l’alcool au volant était de réduire de 20 % le nombre de victimes décédées ou gravement blessées.  La suppression immédiate du permis de conduire et la saisie du véhicule sont les principales mesures appliquées depuis 1998.

Le ministre de la Sécurité publique, Jacques Chagnon, souhaite quant à lui que les peines infligées aux conducteurs ivres soient plus sévères que les peines actuelles, surtout dans les cas de récidive.  Il envisage de demander au gouvernement du Canada d’apporter une modification en ce sens au code criminel puisque ce dernier relève de la juridiction fédérale.


****UN CHAMPION MONDIAL DE BIATHLON

Jean-Philippe Le Guellec a participé aux Championnats mondiaux jeunesse et junior de biathlon qui avaient lieu fin janvier en Haute-Maurienne, en France.  Âgé de 18 ans, le jeune Le Guellec de Québec a remporté la médaille d’or au sprint de 7,5 km, la médaille d’argent aux 10 km et la médaille d’argent au relais.  La québécoise Myriam Bédard, double médaillée d’or en biathlon aux Jeux olympiques de Lillehammer en 1994, aurait-elle trouvé un successeur? 


****DES QUÉBÉCOIS SUR L’ÉVEREST

Escalader les pentes abruptes du plus haut sommet du monde constitue un défi majeur pour les alpinistes, amateurs ou professionnels.  C’est l’exploit qu’ont réalisé quatre jeunes de Québec : à la mi-mai, ils ont atteint le sommet de l’Éverest.  Mario Dutil, Maxime Jean, Claude Saint-Hilaire et Gabriel Lemieux ont dû affronter de nombreuses difficultés pour réussir leur ascension ; il s’agissait de la première équipe entièrement québécoise à réussir cet exploit.


****IN MEMORIAM

François Tavenas (1942-2004)
Le dernier numéro de Québec Info (Vol. 10, N° 1) faisait état de la nomination de François Tavenas, ancien recteur de l’Université Laval, au poste de recteur de la nouvelle Université du Luxembourg.  Il n’aura dirigé cette université que très peu de temps.  Le 13 février 2004, François Tavenas est décédé d’une crise cardiaque ; il était âgé de 61 ans.

Né en France, François Tavenas était venu s’établir au Québec en 1965 comme professeur à la Faculté des Sciences et de Génie de l’Université Laval.  En 1989, il devenait vice-recteur de l’Université McGill de Montréal et en 1997, il était nommé recteur de l’Université Laval, poste qu’il a occupé jusqu’en 2002.  Depuis le premier décembre 2003, il était recteur de l’Université du Luxembourg.