QUÉBEC Info

PRINTEMPS-ÉTÉ 1999

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POLITIQUE

Dépôt du budget du Québec 1999-2000

Fort de l'atteinte de l'objectif du déficit zéro une année plus tôt que prévu, le ministre des Finances, Bernard Landry, s'est vu autorisé, dans le budget déposé le 9 mars, à faire des investissements là où les Québécois le souhaitaient le plus, dans les domaines de la santé et de l'éducation.

La santé

Après des années difficiles marquées par une réforme en profondeur du système de la santé et par des coupures budgétaires draconiennes, le ministre a ouvert la porte d'une nouvelle ère en injectant dans ce secteur plus de 1,7 milliard $. De ce montant, 700 millions $ serviront à éponger les déficits accumulés par les hôpitaux et leur permettront de remettre les compteurs à zéro.

Ce qui réjouit davantage le milieu de la santé et la population, ce sont les 747 millions $ qui sont consacrés à l'amélioration des services directs à la population et, en particulier, la construction d'un méga-hôpital à Montréal pour regrouper les constituantes du Centre hospitalier de Montréal et les doter des équipements techniques appropriés. Enfin, 300 millions $ seront affectés au fonctionnement du réseau de la santé, sévèrement ébranlé par la réforme à laquelle il a été soumis.

L'éducation

Durant la campagne électorale de novembre dernier, les étudiants avaient reçu l'engagement du Parti Québécois que le gel des frais de scolarité serait maintenu s'il était reporté au pouvoir. Ce choix gouvernemental prive depuis plusieurs années les universités de sources substantielles de revenus; il a même été partiellement l'une des raisons qui les ont forcées à s'endetter ces dernières années pour parer à leurs dépenses croissantes. Le gouvernement contribuera jusqu'à hauteur de 170 millions $ au redressement de leur situation financière, mais en leur imposant en contrepartie l'obligation de reddition des comptes et des mesures accrues de contrôle.

Les trois ordres d'enseignement confondus, soit le primaire, le secondaire et le supérieur (collégial et universitaire), recevront quelque 342 millions $ en sus de leurs budgets de base pour améliorer la qualité de l'enseignement et les services aux étudiants. Un ensemble de projets, notamment la consolidation de la réforme de l'enseignement dans les secteurs primaires et secondaires intitulée Prendre le virage, l'achat de manuels scolaires, la préparation au marché du travail ainsi que l'incitation aux carrières scientifiques et technologiques, bénéficieront d'un appui de l'ordre de 95 millions $.

Les autres domaines

Le passage à l'économie du savoir, la recherche scientifique et l'innovation technologique, la valorisation des découvertes et la création de la Zone commerciale de Montréal à Mirabel, de même que le développement local et régional se partageront quelque 160 millions $.

Le milieu culturel n'a pas été oublié dans ce budget puisque des crédits d'impôts seront accordés pour encourager la production de spectacles musicaux et d'enregistrements sonores. En plus, 35 millions $ seront mis à la disposition des organismes artistiques et culturels. Le Musée des Beaux-Arts et l'Orchestre symphonique de Montréal ont traversé une période financièrement difficile ces derniers temps; ils auront droit à une aide spécifique de 6 et 5 millions $ respectivement.

Quant aux impôts des particuliers, à moins d'une embellie imprévue des finances de l'État, les citoyens devront attendre à juillet 2000 avant de bénéficier d'un allègement.

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Ouverture de la première session de la 36ème législature

Le 3 mars 1999, Lucien Bouchard ouvrait la première session des travaux parlementaires depuis son élection comme Premier ministre du Québec, le 30 novembre 1998. Dans son discours inaugural, traçant les objectifs que se donne son gouvernement pour que tous les Québécois, les jeunes en particulier, soient prêts à faire parler le Québec "de sa propre voix, de ses propres choix", il fixait à l'an 2000 le commencement du processus référendaire sur la souveraineté.

C'est dans cette perspective qu'il a reporté la tenue du Sommet du Québec et de la jeunesse aux premiers mois de la prochaine année, question de revoir les thèmes qui devront présider à cette rencontre et de mieux préparer ce rendez-vous. Mais aussi pour se donner le temps de procéder à la mise en oeuvre des mesures qu'il a annoncées à l'intention des jeunes au cours de la dernière campagne électorale : accroître le nombre des places à cinq dollars par jour dans les garderies, assurer un meilleur dépistage des problèmes d'apprentissage des jeunes, augmenter le niveau de bilinguisme individuel, favoriser l'arrimage de la formation professionnelle et technique au milieu du travail, créer 60 000 places de stage pour les jeunes qui veulent accéder au marché du travail et élaborer une politique des universités doublée de mesures précises de financement de l'enseignement supérieur.

Le Premier ministre a de plus réitéré sa volonté ferme de réduire le fardeau fiscal des particuliers au cours des prochaines années et de corriger les lacunes du système de santé par un train de mesures qu'annoncera la ministre de la Santé, Pauline Marois.

Au plan économique, le gouvernement entend créer 15 000 nouveaux emplois dans le domaine de l'agroalimentaire et 7000 dans le secteur du tourisme au cours des six prochaines années. Il consacrera aussi des budgets à la recherche et à l'innovation technologique, de même qu'à la diversification de l'économie régionale.

Dans la continuité des mesures prises depuis trois ans pour réduire la taille de la fonction publique, des opérations d'allègement parlementaire et de modernisation de l'appareil administratif compléteront l'agenda ministériel.

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L'Union sociale : Le Québec abandonné par les autres provinces

L'un des thèmes forts de la dernière campagne électorale portait sur l'adhésion du Québec à un consensus des provinces pour freiner une avalanche d'interventions que le gouvernement fédéral s'apprêtait à faire notamment dans les domaines de la santé, de l'éducation et des affaires sociales, des domaines reconnus dans la constitution comme étant de juridiction provinciale. Les provinces exigeaient le droit de se retirer des éventuels programmes fédéraux avec pleine compensation financière. Durant la campagne électorale, le gouvernement sortant plaidait l'urgence de s'allier aux autres provinces pour se protéger des intrusions fédérales et sollicitait de la population qu'elle endosse ce choix. Ce qu'elle fit.

Au lendemain des élections, les discussions sur l'union sociale ont repris et les provinces ont été convoquées à la résidence du Premier ministre canadien. Lors de cette réunion du 4 février, les premiers ministres des provinces anglophones ont jeté du lest sur le point jugé capital pour le Québec, à savoir le droit de se retirer avec pleine compensation financière, de tout nouveau programme fédéral. Ils ont alors accepté que le dédommagement soit conditionnel au fait qu'une province dissidente ait un projet visant les mêmes objectifs et rende des comptes au fédéral. Bien plus, l'entente qu'ils ont signée autorise le fédéral à lancer de nouveaux programmes, même dans des domaines hors de sa juridiction, dans la mesure où il obtient l'approbation de six provinces pour ce faire. Un tel accord était inacceptable pour le Québec, tant pour le Parti libéral du Québec que pour le Parti Québécois, les conditions convenues relatives au droit de retrait constituant pour lui un net recul.

Le Premier ministre Lucien Bouchard a donc refusé de signer l'entente. Le prix de bonne conduite ou de consolation, c'est selon, que les provinces ont reçu est le rétablissement des subventions fédérales dans le domaine de la santé. On se souviendra que le gouvernement fédéral a unilatéralement amputé de quelque 6,2 milliards $, depuis 1994, le budget qu'il consacrait à ce poste, décision qui fut à l'origine de la situation pénible qu'ont traversée plusieurs provinces dans l'offre de services de santé à leur population.

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L'Assemblée nationale : deux premières

La rentrée parlementaire à l'Assemblée nationale a été l'occasion de deux événements qui marqueront l'évolution du parlementarisme et de la vie démocratique au Québec : l'élection du Président au vote secret et le choix de l'un des vice-présidents parmi les députés de l'Opposition officielle.

La coutume voulait que le Président de l'Assemblée nationale et les trois vice-présidents soient proposés par le parti au pouvoir et cooptés par les partis représentés au Parlement. À l'ouverture de la première session de la 36ème législature, le 3 mars dernier, Jean-Pierre Charbonneau, Président sortant de la dernière législature, a été réélu par un vote secret auquel ont participé tous les députés membres de l'Assemblée nationale.

Le mode de désignation des vice-présidents a aussi été modifié. En effet, autre événement historique, l'un des trois vice-présidents est désormais choisi parmi les députés de l'Opposition. Ces deux nouvelles modalités assureront, selon le nouveau Président, l'impartialité de la fonction présidentielle et l'investiront d'une autorité morale accrue. Il a de plus annoncé sa ferme détermination à continuer de travailler à la valorisation du rôle des députés et à l'augmentation de leurs émoluments.

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Ententes Québec - Kahnawake

Dans le dernier numéro de QUÉBEC Info, un article fait état des négociations du gouvernement du Québec avec les communautés autochtones. Depuis lors, soit le 30 mars 1999, le Conseil mohawk de Kahnawake et le gouvernement du Québec ont conclu dix ententes sectorielles, ce qui ouvrent une nouvelle ère dans les relations gouvernementales entre Mohawks et Québec après des années de tensions.

Le principal accord concerne la fiscalité des services et des biens de consommation. Par l'instauration d'une carte magnétique remise à chaque Amérindien, ce dernier sera exempté automatiquement de la taxe de vente québécoise sur tous les achats effectués en dehors de la réserve. Par ailleurs, les Québécois qui iront faire des achats chez les commerçants de la réserve seront tenus de payer les taxes. Par cette entente, on élimine un irritant majeur dans les relations entre Blancs et Amérindiens puisque, à ce jour, les commerçants autochtones ne facturaient pas les taxes imposées par Québec, ce qui constituait une concurrence déloyale envers les commerces hors-réserve. C'était aussi un incitatif à la contrebande notamment des produits du tabac et de l'alcool. D'autres accords permettront au Conseil de bande de réglementer la tenue de sports de combat, l'octroi de permis d'alcool, la tenue d'un régistre d'état civil par l'inscription des naissances, des mariages et des décès ainsi que l'administration de la justice en matière de relations familiales et de litiges.

En signant ces ententes, le grand chef Joe Norton s'est déclaré convaincu qu'elles conviennent à la majorité des citoyens de sa réserve, qu'elles sont respectueuses du point de vue des Autochtones et qu'elles consacrent, de façon formelle, l'autonomie gouvernementale du Conseil de bande.

Pour leur part, les ministres Bernard Landry et Guy Chevrette ont souhaité que ces ententes Québec-Kahnawake servent de modèle dans la négociation de traités avec l'ensemble des communautés autochtones du Québec.

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La souveraineté du Québec : les partis politiques reprennent la réflexion

Le Parti Québécois

Devant le Conseil national du Parti Québécois réuni à la fin du mois de janvier dernier, le Premier ministre Lucien Bouchard demandait à ses troupes de convaincre la population de la nécessité de la souveraineté en revoyant le projet au grand complet. L'objectif, déposer une nouvelle mouture du projet de souveraineté pour le prochain congrès du parti, prévu pour mai 2000. Cela laisse présager la tenue d'un référendum au cours de l'année suivante.

Les bases de ce projet reposent sur la souveraineté, le maintien des relations économiques avec le reste du Canada et l'un des modèles pour l'encadrer, le partenariat. Le projet souverainiste n'est plus ce qu'il était; il doit prendre en compte les nouvelles réalités que sont l'intégration nord-américaine, la mondialisation et les ambitions du pouvoir fédéral.

Le vice-premier ministre Bernard Landry a été chargé de présider un groupe de travail d'une trentaine de membres baptisé le Comité de réflexion et d'actions stratégiques. Ce comité devra suggérer entre autres des projets d'argumentaires sur le pourquoi et le comment de la souveraineté, des moyens et des occasions de susciter le débat le plus large possible sur l'avenir politique du Québec, des outils de promotion mais, surtout, de rajeunir le discours et de situer la place du Québec dans le monde, rompant en cela avec le débat plus restreint sur les liens avec le Canada.

La participation du Québec aux décisions internationales en environnement, en culture ou en économie (les exportations du Québec sont passées de 30 % à 63 % entre 1991 et 1997) appelle donc une réorientation du projet souverainiste. Des milliers de personnes seront appelées à retourner les pierres une à une et à ouvrir portes et fenêtres pour tenter de trouver toutes les idées susceptibles d'alimenter la réflexion et d'actualiser le projet qui sera au coeur du congrès de l'an 2000.

Le Bloc Québécois

Venu sur la scène fédérale pour défendre les intérêts des Québécois, le Bloc Québécois a également senti la nécessité d'actualiser le discours souverainiste. Quatre grands chantiers ont été créés portant sur le partenariat, la mondialisation, la pratique démocratique et sur la défense des intérêts du Québec. Le Bloc Québécois a donc recruté le réputé syndicaliste Pierre Paquette, qui venait de quitter le poste de secrétaire général de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), pour coordonner cette opération. Il a aussi invité l'ex-Premier ministre québécois, Jacques Parizeau, à reprendre du service et à participer à cette réflexion.

Le Bloc québécois tiendra un congrès général en janvier 2000, soit quatre mois avant celui du Parti Québécois. En créant ses propres structures de réflexion et d'actualisation du discours souverainiste, le BQ montre son affranchissement du PQ et de son chef fondateur, Lucien Bouchard. D'une certaine manière, il lui pave cependant la voie puisque le Parti Québécois pourra se servir des résultats des comités mis en marche par le Bloc pour alimenter sa propre réflexion.

Le Bloc Québécois a déjà lancé ses travaux et n'a pas raté son entrée en scène, abordant d'entrée de jeu la question de la définition de Québécois par son spectre le plus large, c'est-à-dire en incluant sous ce vocable toute personne qui vit au Québec ou qui veut être Québécois, occultant de ce fait le concept des peuples fondateurs. Il n'en fallait pas davantage pour faire sortir les détracteurs, souverainistes ou nationalistes, qui ont crié haut et fort qu'en centrant le débat sur ce concept on risque de renier l'histoire. "Pour savoir où l'on veut s'en aller, il faut se souvenir d'où l'on vient" dira l'un d'eux.

Le Parti Libéral du Québec

Se réclamant chef du parti qui a récolté la majorité des votes lors de l'élection du 30 novembre dernier, Jean Charest a clairement fait savoir au Premier ministre Lucien Bouchard que la population ne voulait plus entendre parler du projet de souveraineté. Au contraire, l'expression du vote populaire l'autorise plutôt à relancer le débat sur la manière de renouveler le fédéralisme et le Canada.

Il a donc mis sur pied un groupe de travail présidé par le jeune député Benoît Pelletier, constitutionnaliste reconnu sur la scène canadienne. Son mandat consiste à colliger les observations des membres du parti mais il pourra l'élargir pour consulter également le grand public, incluant l'exploration d'autres formules possibles de renouvellement du fédéralisme.

D'entrée de jeu, Benoît Pelletier a évoqué comme défis le contexte de globalisation et de libéralisation des marchés, l'évolution récente du fédéralisme canadien de même que l'affirmation saine et dynamique de la spécificité québécoise au sein du Canada.

Le débat est relancé et annonce un automne particulièrement fertile sur un sujet qui commençait à se faire oublier après avoir été un temps placé en arrière-scène, l'avant-scène étant complètement occupé par l'objectif d'assainissement des finances publiques.

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In Memoriam

Camille Laurin est décédé le 11 mars dernier à l'âge de 76 ans. Médecin et connu de tous sous le nom de docteur Laurin, il a révolutionné l'enseignement et la pratique de la psychiatrie au Québec. Grâce à lui, notamment, les personnes atteintes de maladie mentale sont sorties de l'asile et ont pu être considérées au même titre que tous les autres malades. Entré en politique à la fin des années 1960, il fut le principal responsable de la loi proclamant le français langue officielle du Québec. La loi 101 intitulée La Charte de la langue française fut adoptée par l'Assemblée nationale en 1977. C'est ce qui lui vaut le titre de père de la loi 101 et la reconnaissance des Québécois.